L’arnaque du siècle montée par le gouvernement sud-coréen contre des pirates de l’air japonais ! C’est aussi un bel exemple de la coopération coréano-japonaise qui vous fera à la fois rire et vous réchauffera le cœur.
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Le 31 mars 1970, vers 7h 30, la plupart des 122 passagers à bord de l’avion de Japan Airlines, JAL 351, somnolaient ou lisaient des journaux en dégustant le café du matin. Ils venaient de décoller à Tokyo et se dirigeaient vers Fukuoka.
Tout à coup, neuf terroristes, armés de revolvers, de bombes et de sabres, prirent l’avion d’assaut. Ils les poussèrent vers les fenêtres avant de les ligoter avec des cordes. Il s’agissait des membres du groupuscule communiste, L’Armée rouge du Japon. Leur objectif : se réfugier À Cuba, pour s’en servir comme base arrière afin d’accomplir, à terme, la révolution communiste dans l’Archipel.
Le capitaine, ancien officier de l’armée de l’air nipponne qui avait servi pendant la Seconde guerre mondiale, ne perdit pas son sang froid. Il lui répondit que l’avion n’était pas conçu pour endurer un si long voyage, ce qui était, par ailleurs, la vérité. Alors, les pirates de l’air se révisèrent. Puis, ils lui demandèrent de mettre le cap vers Pyongyang, la capitale nord-coréenne. « Mais on n’a pas assez de combustible pour s’y rendre », mentit-il. Heureusement, ces ravisseurs n’avaient pas assez de connaissances géographiques pour savoir que les deux capitales n’étaient pas si éloignées.
Donc, l’avion fit escale à l’aéroport de Fukuoka. Les terroristes réclamèrent du kérosène et une carte montrant l’itinéraire du Japon à Pyongyang. 600 agents de policier encerclèrent l’avion pour empêcher les kidnappeurs de quitter le territoire nippon, mais en vain. Même dans cette situation dangereuse, le capitaine, qui ne perdit toujours pas le nord, réussit à persuader les terroristes de relâcher 23 otages vulnérables, les enfants, les malades, les personnes âgées et les femmes.
Aux alentours de la frontière intercoréenne, le pilote tenta d’entreprendre la communication avec la tour de contrôle nord-coréenne : « Ici, c’est JAL 351 ». Pas de réponse dans un premier temps. Puis, il entendit : « Ici, c’est la tour de contrôle de Pyongyang . »
Le fait est que c’était la tour de contrôle sud-coréenne qui avait capté le signal. Les autorités sud-coréennes étaient au courant de cet enlèvement car Washington et Tokyo avaient demandé à Séoul d’essayer d’empêcher l’avion de s’envoler vers la Corée du Nord. Le président de l’époque, Park Jung-hee (박정희, 1917-1979), ordonna au chef du service de renseignement d’essayer de faire atterrir l’avion sur le sol sud-coréen, quitte à jouer aux autorités nord-coréennes.
Selon ces consignes, l’officier sud-coréen de la tour de contrôle conduisit le pilote de manière à ce que JAL 351 atterrissent à l’aéroport de Gimpo. Or, au moment où les pirates de l’air reçurent cette réponse, l’avion se trouvait déjà dans l’espace aérien nord-coréen. L’armée nord-coréenne tira 500 coups de canons sol-air contre cet objet non identifié qui apparut brusquement avant de disparaître vers le sud. Mais les ravisseurs ne s’en rendirent même pas compte.
Entre-temps, les autorités sud-coréennes préparèrent à la hâte l’arrivé de l’avion détourné. Les commandos des forces spéciales furent déployés autour du piste. Mais avant, ils se changèrent en… uniforme de l’armée nord-coréenne ! Les drapeaux sud-coréens furent tous enlevés et ceux du Nord flottaient fièrement dans l’air. Une immense banderole sur laquelle était écrit : « Bienvenue à Pyongyang » fut mis à l’entrée de l’aéroport. Bien sûr, les avions de Korean Air et d’autres pays avaient été déplacés ailleurs. Et une vingtaine de jeunes femmes, habillées en hanbok, attendaient, chacune, avec un gros bouquet de fleurs pour accueillir les terroristes.
Enfin, l’avion atterrit à l’aéroport de Gimpo à 15h 16. Pendant un certain temps, les kidnappeurs ne comprirent pas qu’ils s’étaient fait avoir par le gouvernement sud-coréen. Mais ils finirent par apercevoir la vérité parce qu’ils aperçurent un G.I noir ! Les officiers sud-coréens essayèrent de les convaincre qu’il appartenait à l’armée soviétique. Mais bon, l’arnaque a quand même ses limites. En plus, lorsqu’un ravisseur demanda à un soldat sud-coréen en anglais : « Here, Seoul ? », ce dernier lui répondit avec un grand sourire, trop content d’avoir compris l’anglais : « Yes! »
Vers 20h 30, le gouvernement sud-coréen renonça à tromper les pirates de l’air et se prépara à entamer des négociations.
Dans la nuit du 31 mars au 1er avril, la délégation japonaise dirigée par le vice-ministre des Transports arriva à Séoul. Du côté sud-coréen, le ministre de la Défense, celui des Transports et celui de l’Intérieur participèrent aux tractations.
Les pourparlers durèrent pendant 79 heures. Entre-temps, le gouvernement sud-coréen obtint l’approbation des ravisseurs d’offre des repas aux otages.
Le 3 avril, les parties parvinrent à trouver un terrain d’entente. L’Armée rouge consentit à libérer les passagers et quatre hôtesses de l’air. En contrepartie, elle prit le vice-ministre japonais des Transports et trois pilotes comme otages avant de s’envoler, avec eux, vers la vraie capitale nord-coréenne.
A 19h 20, ils débarquèrent enfin à leur destination tant rêvée, Pyongyang. Les autorités nord-coréennes demandèrent à leurs « camarades de révolution communiste » de laisser toutes leurs armes avant de quitter l’avion.
De leur côté, les 99 otages nippons libérés arrivèrent sains et saufs à Tokyo le soir du même jour. Leur retour fut retransmis en direct par la chaîne de télévision nationale nipponne, NHK, qui enregistra un audimat de plus de 40 % !
Le lendemain, les autorités nord-coréennes laissèrent partir les trois pilotes et le chef de délégation japonais à bord de JAL 351. Aucun mort, ni blessé fut déploré.
Lorsque les négociations étaient en cours, de nombreux Japonais étaient pessimistes quant à leur issue, car cela ne faisait que cinq ans que les deux pays avaient normalisé leurs relations diplomatiques. Et aussi parce que le souvenir de la guerre de Corée et du coup d’État de Park Jung-hee, entrepris en 1961 demeuraient encore vifs à leur esprit. Ils avaient bien peur que Séoul opte pour une opération militaire radicale afin de neutraliser les ravisseurs, ce qui aurait pu causer des dégâts humains chez les otages.
Mais ce happy end permit aux peuples des deux nations voisines qui restaient toujours méfiants de faire un pas en avant l’un vers l’autre.
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Je l’ai découvert, par hasard, en attendant notre embarquement pour le vol vers Tokyo à l’aéroport de Gimpo, situé tout près de Séoul. C’était le plus grand aéroport de Corée avant l’ouverture de celui d’Incheon en 2000. J’étais en train de lire son histoire pour en faire un post. Et là, je suis tombée sur cette histoire surréaliste.
« Et vous savez, le comble de cette histoire ? », posai-je la question aux oursons à la fin de ce récit que je leur ai raconté dans une chambre d’hôtel à Tokyo. Ils ont adoré ! « Il s’est avéré, poursuivis-je, que les armes que portaient les terroristes étaient tous… des faux. Des jouets qu’ils avaient achetés dans une papeterie du coin. »
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Epilogue
Alors que sont devenus ces neuf réfugiés japonais en Corée du Nord ? Trois décédèrent dans les années 1980, deux furent arrêtés par les autorités japonaises pendant qu’ils se livraient à des activités illicites au Japon et en Thaïlande. Et quatre seraient toujours en vie. Ils se seraient mariés et auraient eu un total de 20 enfants. Ces derniers publièrent même un message sur Twitter en 2016 qui disait, en gros, que c’était un excellent choix d’avoir choisi la Corée du Nord comme lieu d’exil.
Et ce brave contrôle qui réussit à un détournement double inédit ? Cet héros aurait été récompensé comme il se devait avec la décoration et la promotion ? Non… bien au contraire… Le gouvernement qui ne voulut pas détériorer ses relations avec Pyongyang enterra cette histoire. Exactement comme le raconte le film. Selon sa version, le pilote japonais s’atterrit en Corée du Sud par erreur et Séoul n’en fut pas responsable. Le contrôleur fut sommé de garder le silence…Puis, il dût quitter l’armée de l’air l’année suivante. La vérité ne put être révélé qu’en 2006.
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