Destin tragique d’une concubine du roi Séjo

Séjong le Grand, l’inventeur du hangeul, aima passionnément le peuple et les belles femmes. Il a eu une dizaine de maîtresses et 25 enfants en tout, dont 10 avec sa reine Soheon de la famille Shim (소헌왕후 심씨).

C’était un père et mari affectueux pour tous, surtout pour son épouse numéro un. Ce qui permit à cette dernière d’entretenir de bonnes relations avec les concubines qui n’osaient braver, à leur tour, l’autorité de la reine, mère de huit princes et deux princesses..

En revanche, son deuxième fils, le roi Séjo, qui s’empara du trône de son neveux, est célèbre pour son amour quasi exclusif pour son épouse, la reine Jeonghee (정희왕후).
Par exemple, il voulut qu’elle l’accompagnât partout, que ce soit pour des événements officiels ou des déplacements privés, voire pour les chasses ! La reine Jonghee s’acquitta aussi assez correctement de son devoir conjugal en donnant naissance à deux princes et une princesse. 

 Or, Séjo avait, malgré tout, deux maîtresses avant d’usurper la couronne en 1455 lorsqu’il était encore prince Sooyang......... L’une d’entre elles s’appelait Park Deok-jung. On ne sait pas exactement sa date de naissance. 

Selon mes recherches, elle était, au début, ou bien une esclave ou bien une kisaeng. Après son accession au trône, Séjo les amena, toutes deux, au palais et fit d’elles ses concubines attitrées. Séjo continua, au début de son règne, à les voir de temps à autre et eut, avec chacune d’elles, un fils en 1458 et en 1459. 

 Par malheur, celui qui naquit en 1459, mourut en 1463, à l’âge de quatre ans. Sa mère est justement notre héroïne du jour. Après la mort du petit, Séjo ne vint plus la voir dans son pavillon. Ce n’était pas parce qu’il prit d’autres maîtresses plus jeunes et belles. C’était parce que le roi redoubla désormais d’affection à l’égard de la reine. Rivale imbattable en tous points.
Rien n’est plus pitoyable qu’une ex-favorite, à la fois privée de son enfant et de son amant qui se plaît dans les bras de l’épouse légitime. Elle agonisait de jour en jour dans son pavillon reculé jusqu’au jour où elle tomba amoureuse d’un eunuque à qui elle écrivit un billet doux. 

Foudroyé par ce « crime » impensable pour l’époque, le pauvre récepteur montra le document fatal au roi. Séjo fut indigné par ce geste audacieux de sa maîtresse de longue date. Mais vu les longues années qu’ils passèrent ensemble, il lui laissa la vie en se contentant de lui retirer son titre de noblesse. Elle devint une simple servante de la Cour.
Cependant, même après cette destitution, elle chercha encore l’amour qui lui permettrait de redonner un sens à sa vie solitaire. Un matin du printemps, en regardant les fleurs de lotus épanouies sur l’étang du palais de Gyeongbok, elle se souvint d’un beau jeune homme qu’elle apercevait chez le prince Sooyang (titre du roi Séjo avant son usurpation).

C’était l’un des neveux du roi, le prince Guseong, fils du 3e prince de Séjong le Grand, le prince Imyeong. Un homme réputé à la fois pour sa beauté et sa compétence hors norme. En 1466, il réussit au concours des officiers militaires, neutralisa une rébellion d’envergure pour devenir Premier ministre en 1468, à l’âge de 27 ans, soit le plus jeune Premier ministre de l’histoire de Joseon (1392-1910).
Elle lui écrivit la lettre : 

« Après la pluie printanière de la nuit dernière, les fleurs de lotus sur Gyeonghweru se sont toutes épanouies ! J’ai pensé à vous en le regardant. Que je serais heureuse que vous puissiez les voir vous aussi ! Moi, en ce moment, je mène une vie très dure comme simple servante de la Cour. Mais vous, comment vous portez-vous ? Je suis affligée de ne pas avoir pu vous voir depuis si longtemps. Vous savez, à chaque fois que vous venez chez le prince Sooyang, je ne puis m’empêcher d’admirer, à la dérobée, votre beau visage brillant comme une jade et de retenir mon cœur qui s’envolait vers vous. Hélas, comme je dois rester au fin fond du palais, je n’ai aucun moyen de vous transmettre mon amour. Ce qui me rend inconsolable… »
Elle parvint à la transmettre à son destinataire via deux servantes et deux eunuques de la Cour. Terrorisé par cette démarche audacieuse, le prince Guseong s’accourut tout de suite au palais pour dénoncer l’auteur du billet directement au roi, son oncle. 

Profondément affligé par la seconde trahison de son ex-concubine, Séjo fit d’abord exécuter les quatre employés du palais qui servirent d’intermédiaire. Quant à la « criminelle » elle-même, il voulut encore la pardonner mais cette fois-ci, tous ses ministres s’y opposèrent. Ainsi, Park Deok-jung fut exécutée le 5 septembre en 1465.
Mais quel fut le motif qui la poussa à écrire ces lettres si fatales ? Certains l’attribue à la déprime, d’autres, au désir charnel frustré d’une jeune femme. Mais je pense qu’elle voulut plutôt se donner un espoir, un sens qui lui aurait permis de continuer de vivre parce qu’une personne déprimée a dû mal à avoir un rêve. Je ne pense pas non plus qu’elle s’attendait à aboutir à une liaison physique avec ces deux hommes. En plus, l’un d’entre eux était eunuque ! 

 Car rien n’est triste qu’une vie sans espoir…

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