Film, "Hwang Jin-yi" avec Song Hye-gyo |
Hwang Jini (1506-1567 ), la plus célèbre kisaeng de l’histoire de Corée, a connu deux grandes histoires d’amour dans sa vie.
Le début de l’une d’entre elles que je vous présente aujourd’hui me fait penser à ce célèbre roman de Laclos, Liaisons dangereuses.
Un aristocrate de haut rang, So Se-yang (소세양, 1486-1562) déclara, un jour, devant ses amis, qu’un homme qui succomberait à la beauté d’une femme n’était pas un vrai homme.
Dans la foulée, il paria que lui, il pourrait quitter, sans regret, même cette célèbre Clair de lune (nom de kisaeng de Hwang Jini), après avoir passé seulement trente jours ensemble.
Soit dit en passant, ce Valmon version coréenne était cependant un haut dignitaire.
Il venait de prendre sa retraite après avoir occupé, tour à tour, des postes clés équivalents de ministre de la Défense, ministre de l’Intérieur et ministre de la Justice. Il a été aussi réputé pour son talent hors norme pour la littérature et l’art en général.
Bref, de quoi intéresser Clair de lune. Quand elle a eu vent de cette déclaration, notre brave madame de Meurteuil coréenne jura, à son tour, qu’elle ferait prolonger de 15 jours son séjour auprès d’elle.
A l’arrivée de la ville où habitait la belle, So Se-yang lança un jeu de mot subtile en envoynt un caractère chinois à Hwang Jini : 榴
榴(류) signifie «grenadier ». En Coréen, c’est 석류(grenade)나무(arbre). En fait, quand on apprend les chinois, on lit d’abord la signification, puis lit le caractère lui-même en son coréen. Ce qui fait que lorsqu’un élève étudie le caractère chinois ‘榴’, il lira 석류(유)나무류(유) (榴). Et si on choisit savamment des caractères chinois qui correspondent à chaque son en Coréen, cela donne cette phrase 碩儒那無遊(석유나무유), soit, « Un illustre mandarin est bien là, ne veux-tu pas t’amuser avec lui ?»
Hwang Jini releva aisément le défi en lui répondant de la même manière : 榴
榴 signifie « pêcher » et on peut le lire 高妓自不語(고기자불어). Ce qui peut se traduire par « Une gisaeng de haute classe ne dira pas oui ou non elle-même », qui veut dire que c’est à lui de venir lui faire des avances, pas l’inverse.
Ils se virent enfin, ils se plurent et ces trente jours et trente nuits passèrent comme une flèche.
Lorsque le trentième soir arriva, la date d’échéance prévue par So Se-yang, Hwang Jini lui récita son poème écrit en chinois autour d’un verre d’adieu :
« A la cour éclairée par la lune, les feuilles de paulownia sont tombées,
Et les chrysanthèmes sous les givres arborent leur couleur jaune.
Le pavillon haut placé semble toucher le ciel,
Et mille verres d’alcool s’échangent encore, bien qu’on soit ivre.
Le bruit de l’eau qui coule est aussi froid que le son de sitar,
Et le parfum exquis des fleurs de plume se mêle au son de flûte.
Demain matin, après qu’on se sera quittés, les larmes aux yeux,
Seul mon amour pour mon bien-aimé coulera comme cette eau bleue à l’infini »
Tout ému, So Se-yang s’écria : « Qu’on ne me traite plus comme un vrai homme ! Je m’en moque ! Je resterai avec toi ! »
Film, "Hwang Jin-yi" avec Song Hye-gyo |
Ainsi il a prolongé, comme l’avait parié notre belle, de 15 jours son séjour auprès d’elle.
Ensuite, « chacun pour soi est reparti, dans le tourbillon de la vie », comme l’a chanté Jeanne Moreau, dans Jules et Jim. Lui retourna à sa famille, elle à sa profession. « Ils ont ainsi fermé les parenthèses » comme l’avait si justement commenté une de mes connaissance de Facebook à qui j’ai raconté d’avance cette histoire.
Mais il arrive parfois que de jolies parenthèses relèvent notre quotidien qui nous paraît parfois assommant.
On ne sait pas si les deux amants se sont revus après, mais ils seraient restés correspondants en s’échangeant des lettres de temps à autres, comme leur attraction réciproque fut basée sur des échanges intellectuels et pas seulement physiques.
Et voici la traduction d'une lettre que Hwang envoya à So Se-yang
Les nuits solitaires, Hwang Jini
- Traduit par Sojeong Shim
A quoi penses-tu,
Les nuits solitaires éclairées par la lune ?
Quels rêves fais-tu,
Ces nuits d’insomnie en te tournant et te retournant dans ton lit ?
Je voudrais savoir,
S’il t’arrive d’écrire les petits mots que je t’ai murmurés,
Et si notre amour d’ici bas est quelque chose de sincère.
Je me languis de toi.
Et à chaque fois que je pense à toi,
Mille et une questions se pressent dans mon esprit.
Combien de fois par jour penses-tu à moi ?
Ca te dérangera ou ça te réjouira
Si je te demande de penser à moi même quand tu es occupé ?
Te suis-je toujours aimable,
Même si je gazouille toute la journée comme de petits moineaux ?
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