La série, "Saimdang, le journal de la lumière", disponible sur Viki |
1. Introduction
Au royaume de Shilla (57 av.J.-C – 935), trois princesses accédèrent au trône. L’une d’entre elle, la reine régnante Seondeok, est considérée comme l’un des plus grands souverains de Corée, qui jeta une base solide pour la conquête de Goguryeo et de Baekjae, deux autres royaumes majeurs qui occupaient avec Shilla la péninsule coréenne entre1e siècle av.J.-C et le 7e siècle.
Au 9e siècle, le haut dignitaire de Shilla unifié, Cheoyong, revint un soir d’une sortie nocturne avant de découvrir quatre pieds qui dépassait de la couette de son lit. Au lieu de punir le rival et de répudier son épouse, il dansa, en chantant, en gros, qu’il ne pouvait rien faire alors que la chose avait été déjà faite.
A l’époque de Goryeo (918-1392), une reine douairière, qui exerça un grand pouvoir, essaya, à un moment donné, de léguer le trône à l’enfant naturel qu’elle avait eu avec un amant. Ce projet n’aboutit pas en raison de la forte opposition des courtisans qui la renversèrent. Cependant, afficher, comme elle le fit, son amant et leur enfant si ostentatoirement était impensable à l’époque de Joseon (1392-1910).
2. Joseon adopta confucianisme comme idéologie fondatrice de l’État
Cependant, l’avènement de la dynastie de Joseon, à la fin du 14e siècle, changea la donne en matière de statut des femmes.
Ce qu’il faut retenir avant d’entrer dans le vif du sujet, c’est que contrairement aux trois royaumes et à Goryeo dont la religion officielle était le bouddhisme, Joseon opta pour le confucianisme. Or, l’une des valeurs suprêmes prônées par cette doctrine philosophique est la loyauté des sujets envers leur monarque, et par ricochet, le dévouement des enfants pour leurs parents, l’obéissance des esclaves envers leur maître et la fidélité des femmes pour leur époux.
Ainsi, l’adoption du confucianisme comme idéologie fondatrice de l’Etat eut pour conséquence de renforcer le pouvoir centralisateur du roi et l'emprise des hommes sur les femmes.
3. Les conditions des femmes n’étaient pas si mauvaises jusqu’au 16e siècle
Mais jusqu’à la première moitié de la dynastie, c’est-à-dire jusqu’au 16e siècle, les femmes gardaient encore pas mal de droits par rapport à bien d’autres pays asiatiques et même à certains pays occidentaux.
D’abord, après le mariage, les hommes vivaient chez les parents de leurs épouses selon la longue tradition plutôt matriarcale qui remonte jusqu’à l’époque des trois royaumes. Du coup, les parents élevaient leurs filles avec autant, sinon davantage, de soins que leurs fils parce que c’était ces dernières qui allaient s’occuper d’eux quand ils seraient vieux.
Ensuite, sur le plan de la succession, les filles avaient droit à une part égale de l’héritage. En contrepartie, les filles avaient également le devoir d’organiser des rites pour les ancêtres comme les garçons. Les filles avaient aussi le droit d’être désignées comme chef de famille en l’absence d’héritier mâle.
Par ailleurs, au départ, l’État essaya de protéger les femmes contre des hommes qui pourraient abuser de leurs privilèges. Et les hommes, notamment les aristocrates, étaient tenus de montrer l’exemple sur le plan de l’éthique.
Par exemple, le principe de monogamie était plus strictement appliqué. Le concubinage était néanmoins toléré, un peu comme un vice nécessaire destiné à garantir la descendance au cas où l’épouse légitime serait stérile. Cette pratique pourrait également s’expliquer par le taux de mortalité infantile très élevé de l’époque.
En cas d’absence d’enfant légitime, on autorisait à adopter l’un des enfants naturels comme héritier officiel de la famille, comme ce fut le cas du roi Gwanghae. Pourtant, avoir de multiples liaisons extraconjugales était considéré comme un défaut.
Par ailleurs, la loi garantissait les prérogatives des épouses légitimes en pénalisant à bien des égards les enfants naturels. Ces derniers devaient hériter, par exemple, du statut social de leurs mères, qui étaient souvent esclaves ou roturières, même si leur père était un haut dignitaire. Et ils ne pouvaient pas se présenter au concours des officiels civils.
Pour empêcher les hommes de répudier leurs épouses par caprice, notamment les nobles, les demandes de divorce étaient minutieusement examinées par les autorités concernées.
Quant au viol, les violeurs étaient condamnés à morts et l’honneur des victimes n’était pas remis en cause. Ainsi, au début du 15e siècle, une fille noble de 16 ans n’hésita pas à courir à la mairie pour dénoncer ses esclaves qui l’avaient violée la veille. Les criminels furent écartelés.
Il est vrai qu’à la fin du 15e siècle, le roi Seongjong instaura une clause dissuadant, mais non pas interdisant, les veuves à se remarier. Elle consistait à interdire aux enfants des veuves remariées de se présenter au concours des officiels civils.
Donc, cette loi concernait peu les roturiers qui n’avaient guère les moyens pour préparer ce concours. En plus, la plupart des ministres s’y opposèrent car cela rendait difficile la survie des veuves pauvres. Mais le roi insista. Certains historiens expliquent ce côté misogyne de Seongjong par des relations houleuses qu’il eut avec sa deuxième épouse qu’il finit par exécuter.
4. Le statut des femmes dégringole dès le 17 siècle en raison de la radicalisation du confucianisme
Or, les conditions des femmes s’aggravèrent considérablement dès le 17e siècles, notamment après les deux grandes guerres d’invasion que la Corée subit, d’abord de la part des Japonais (1592-1598), ensuite des Jurchens (1636-1637).
C’est surtout la défaite qu’on dut essuyer contre ces derniers qui fit chuter l’autorité de la Cour et de la noblesse. Par ailleurs, l’émergence de la classe des roturiers riches et intellectuels, notamment les grands marchands, constituait également un facteur menaçant pour les aristocrates.
En parallèle, l’augmentation démographique posait un autre problème. Les familles nobles n’avaient plus assez de terres et d’autres patrimoines à léguer à part égale à tous leurs enfants, alors qu’une grande partie des terrains agricoles fut dévastée par les guerres.
De plus en plus de parents préféraient ainsi laisser la plus grande part de leurs biens à l’aîné mâle de la famille, à qui revenait aussi le devoir de s’occuper d’eux et d’organiser des rites pour les ancêtres. Ce renforcement du droit d’aînesse eut pour conséquence d’intensifier l’ordre patriarcal dans tous les domaines de la société.
Face à une telle évolution de la société, la classe dirigeante opta pour une vision extrémiste du confucianisme sur la hiérarchie sociale et sur les femmes afin de rétablir son autorité tombée par terre.
On exigea l’obéissance quasi inconditionnelle des femmes à leur mari et de plus en plus de femmes mariées devaient vivre chez leurs beaux-parents. Par conséquent, il devint plus facile pour un mari de trouver des prétextes pour répudier son épouse.
En particulier, le devoir de garder la chasteté était imposé de manière quasi hystérique aux femmes, quelle que soit leur classe sociale. Perdre la vertu, même contre sa volonté, devint un crime. Les femmes portait un petit couteau sur elles pour se protéger ou se suicider en cas d’urgence. Le veuvage fut érigé en principe inviolable, même pour les femmes roturières.
5. Les femmes gardaient le droit de gérer les finances et le personnel de la famille
Cependant, ce sont toujours les femmes qui géraient les finances et le personnel de la famille. Elles gardaient les clés des greniers, des entrepôts et du coffre-fort de la maison. Cette pratique s’est perpétuée jusqu’à la génération de mes parents. Ainsi, la plupart des pères de famille confiaient tout leur salaire à leur épouse et se contentaient de l’argent de poche que leur épouse leur donnait.
Et aujourd’hui encore, pas mal de foyers fonctionnent de cette manière, y compris la famille Ours.
6. Epilogue : les conditions des Coréennes d'aujourd'hui
Enfin, beaucoup de clauses discriminatoires contre les femmes furent abolies à la fin du 19e siècle, notamment celle pénalisant le remariage des veuves, dans le cadre de la grande réforme visant à moderniser le pays.
Mais les mentalités des gens ainsi que certaines lois de la République de Corée restèrent marquées pendant assez longtemps par cet esprit patriarcal. Jusqu’en 1990, par exemple, le fils aîné avait droit à une plus grande part de l’héritage et les femmes divorcées devaient attendre six mois après leur divorce pour se remarier, etc.
Cependant, la plupart de ces lois furent révisées au fil des ans et le statut des Coréennes évolua à la vitesse de la lumière ces dernières décennies.
De nombreux Coréens préfèrent, aujourd’hui, avoir des filles à tel point qu’on parle du retour de l’ordre matriarcal. Il est hors de question que les femmes mariées vivent avec leurs beaux-parents ni qu’elles supportent d’éventuelles maltraitances de la part de ces derniers. Et elles sont déjà très présentes dans des secteurs compétitifs. Même s’il reste encore à améliorer, vu le progrès qu’on a réalisé en un laps du temps si court, on y arrivera.
Des recherches approfondies dignes d'un maître universitaire ! Merci, j'en connais un peu plus sur la Corée au fil du temps...
RépondreSupprimerUne lectrice qui vous suis depuis la Polynésie Française
Merci beaucoup de votre soutien !
SupprimerJe vous lis toujours avec le même plaisir et j'attends toujours vos récits ec impatience, merci ❤
RépondreSupprimerToujours avec plaisir !
SupprimerParfaite présentation comme à l'accoutumée. Nous vous remercions.
RépondreSupprimermerci de nous donner une vue globale de l'évolution de la femme coréenne ce dont on entrevoit dans ce drame " saimdaing memoirs of colors" où le journal de la lumière.
RépondreSupprimerMerci pour ces explications merci
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