Les séries « My Country » et « Six dragons fly » racontent l’histoire de la fondation de Joseon(1392-1910) à travers des personnages réels et fictifs. C’était, en effet, l’une des pages de l’histoire de Corée les plus tumultueuses qui ont inspiré de nombreuses œuvres littéraires et audiovisuelles… Voici le contexte historique de la série. Si vous avez vu les séries, vous allez reconnaître plusieurs passages qui font référence à cette histoire. Mais d’abord, permettez-moi de commencer par la citation de Pierre Corneille qui résume si bien la fin de la vie du fondateur de Joseon, Yi Seong-gye (Le roi Taejo, 1335-1408).
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« Ô rage ! ô désespoir ! ô vieillesse ennemie !
N'ai-je donc tant vécu que pour cette infamie ?
Et ne suis-je blanchi dans les travaux guerriers
Que pour voir en un jour flétrir tant de lauriers ?
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Ô cruel souvenir de ma gloire passée !
Œuvre de tant de jours en un jour effacée !
Nouvelle dignité fatale à mon bonheur !
Précipice élevé d'où tombe mon honneur ! »
- Le Cid, Pierre Corneille
Pour Yi Seong-gye, le fondateur de la dynastie de Joseon (1392-1910), la situation était bien pire que celle de Don Diègue, parce qu’il n’avait pas de fils comme Rodrigue, capable de venger, à sa place, cette humiliation. Car, ô comble de misère !, ce fut l’un de ses propres fils qui le trahit, qui plus est, le plus brillant.
Yi Seong-gye était le général le plus vaillant de la dynastie de Goryeo (918-1392). Quand il atteint l’âge de 22 ans, lui et son père Yi Ja-chun, aidèrent le roi Gongmin(1330-1374) à chasser les Mongols de la région nord-est de la péninsule alors que leur dynastie de Yuan(1271-1368) était en plein déclin. Depuis lors, rien ne put arrêter le jeune officier. Il repoussa à plusieurs reprises l’invasion des rebelles chinois contre les Mongols, Turbans rouges et celle des pirates japonais. Il était également réputé pour son habileté hors norme en tir à l’arc, ce qui fit qu’on l’appelait « démiurge du tir à l’arc ».Il ne perdit, en effet, jamais une seule bataille dans sa vie.
De ce fait, il jouissait d’une grande popularité auprès du peuple.
Pendant ce temps-là, Goryeo sembla s’engager dans le chemin du déclin irréversible. Après la mort du roi Gongmin en 1374, une poignée de nobles riches s’emparèrent du pourvoir et de la plupart du territoire. Les paysans libres devinrent leurs métayers et agonisaient à payer des tributs excessivement lourds à leurs patrons. Face à ces abus, des jeunes aristocrates qui avaient adhérer au néoconfucianisme, prônaient pour une réforme radicale du pays, notamment le système foncier. L’un des plus zélés d’entre eux était Jeong Do-jeon(1342-1398) Chassé de la Cour à cause de sa position intransigeante, l’ancien fonctionnaire errait partout dans le pays tout en approfondissant ses idées visant à construire un nouvel Etat.
En 1383, la rencontre historique entre l’ex-officiel de la cour et le général très populaire auprès du peuple eut lieu. Jeong Do-jeon vit en cet officiel ambitieux l’homme idéal capable de concrétiser ses ambitions. Et Yi n’était pas réticent à l’idée d’accéder à un plus grand pouvoir. Neuf ans plus tard, Yi Seong-gye finit par accéder au trône avant de fonder une nouvelle dynastie. Et Jeong Do-jeon jeta la base institutionnelle d’un nouveau royaume. Il avait pour rêve de construire un pays dirigé par des officiels compétents et non pas par un seul monarque qui détiendrait un pouvoir absolu.
Peu de temps après la création de Joseon, Yi Seong-gye commit une grave erreur. Il désigna son dernier fils, à peine âgé de 10 ans comme successeur. Il était l’un des deux fils que le roi eut avec sa 2e femme.
Le problème, c’est que quatre fils sur six qu’il eut avec sa défunte première épouse étaient toujours vivants. Surtout le cinquième, Yi Bang-won (1367-1422), alors âgé de 31 ans. Sa contribution pour la fondation du nouveau royaume était incontestable. L’aîné de Yi Soeng-gyeo était déjà décédé et le deuxième fils, Yi Bang-gwa s’intéressait peu à la politique. Ainsi, de nombreux courtisans et membres de la famille royale soutenaient Yi Bang-won plutôt qu’un enfant qui n’avait rien fait pour la création de Joseon. Cette désignation manquait cruellement de légitimité à leurs yeux.
Cependant Jeong Do-jeon était du côté du jeune dauphin. Parce qu’il se méfiait des fils de Yi Seong-gyeo et de sa première épouse, surtout Yi Bang-won, le plus compétent et ambitieux. Or, à l’époque, les hommes influents avaient encore le droit d’avoir des soldats privés. Abolir ce système pour renforcer le pouvoir central était l’une des priorités de Jeong.
Alors que Jeong Do-joeng se mit à accélérer la réforme militaire en 1398, Yi Bang-won s’insurgea contre son père, tua Jeong Do-jeon et ses demi-frères et mit son deuxième grand-frère, Bang-gwa au trône par convenance. Ce dernier céda la couronne deux ans plus tard à son petit-frère.
Furieux de ce coup d'Etat de son fils, le premier monarque de Joseon quitta la capitale et s’installa dans sa ville natale Hamheung, située dans le nord-est du pays. Yi Bang-won essaya à plusieurs reprises de faire retourner son vieux père auprès de lui.
Mais, selon la légende, le père aurait tué tous les émissaires que son fils lui envoya à Hamheung avec un arc. Ainsi on appelle encore aujourd’hui en Corée, les personnes qui sont parties mais qui ne reviennent en ne donnent aucun signe de vie, des « émissaires envoyés à Hamheung » (함흥차사)
Le père aurait tenté sa dernière chance, en 1402, en soutenant (ou carrément orchestrant) la rébellion de Cho Sa-eui (조사의), l’un des proches de sa deuxième épouse. Mais elle fut vite maîtrisée par l’armée du nouveau roi. Les archives officiels restent floues sur l’implication du premier roi de Joseon sur ce soulèvement et on comprend pourquoi. Le fils n’aurait pas voulu laisser de chronique trop précise qui aurait pu laisser supposer que son père ne l’approuvait pas pleinement.
Enfin, Taejong Yi Bang-won dépêcha l’ami intime de son père qui avait prédit que ce dernier deviendrait le roi d’un nouveau royaume, le moine bouddhiste Moohak (무학대사, 1327-1405) pour le persuader de revenir au palais.
Vieux et malade l’ancien général invincible finit par accepter cette proposition, puis rendit son dernier souffle en 1408… O rage, ô désespoir, ô vieillesse ennemi…
passionnant
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