Une récente publication de Vanessa Ricatte sur le respect des aînés en Corée a donné lieu à de nombreux commentaires. Beaucoup d’entre eux se sont montrés favorables pour le maintien de cette tradition, certains se sont demandé si elle était toujours valable chez les jeunes et d’autres ont exprimé leur inquiétude quant à une éventuelle dérive autoritaire de la part des aînés.
De mon côté, j’estime que le 높임법 (le mode honorifique), communément traduit en « formules honorifiques », permettra de préserver tant bien que mal une telle tradition, car ces formules de politesse est profondément ancré dans la langue coréenne que ce soit au niveau de la syntaxe ou de la lexicologie.
Pour vous expliquer d’où vient cette conviction personnelle, je voudrais présenter ici en quatre points les principes de base et l’usage de ce mode, une véritable institution qui fait du coréen le coréen.
Ce post est loin d’être exhaustif ou pédagogique, l’objectif étant de vous faire apercevoir la complexité de ce système particulièrement développé en Corée, même par rapport aux autres pays de l’Asie de l’Est.
1. Les formules honorifique s’appliquent à la fois en fonction des interlocuteurs et des tierces personnes dont on parle.
Autrement dit, les relations que l’on entretient avec eux ont de l’impact sur la conjugaison des verbes et le choix de certains mots qui sont liés aux personnes dont on parle.
Autrefois, c’était encore plus compliqué, car, il fallait prendre aussi en compte les relations entre les personnes dont on parle et les interlocuteurs.
Selon ce principe, si Petit Ourson parle de Papa Ours à Mamie Ours, il ne doit pas appliquer les formules honorifiques concernant son papa. Idem pour un employé qui parle de son directeur à son directeur-général.
Quand il s’agit des formules honorifiques vis-à-vis de l’interlocuteur, on parle du 존댓말 (jondaenmal), qui est en partie l’équivalent du vouvoiement. Mais le champ d’utilisation du jondaenmal est plus vaste que celui du vouvoiement.
Ainsi, j’utiliserai, dans cet article, le terme ‘jondaenmal’ pour éviter la confusion.
2. Il y a trois niveaux différents du jondaenmal, deux formels et un familier.
Oui, c’est beaucoup. Mais je vous rassure, dans un premier temps, vous n’avez qu’à apprendre le style le plus simple qui termine les phrases par « 요(yo) ».
Ensuite, vous apprendrez le niveau le plus élevé qui achève les phrases par « 니다(nida) ». On l’emploie dans les médias, les échanges d’un subalterne à un supérieur, dans des livres ou lors des évènements officiels.
Quand au 2e niveau de la formule formelle, qui utilise la terminaison « 오(o) » , vous l’entendrez dans les séries historiques mais rarement dans la vie quotidienne.
3. Le chemin qui mène du jondaenmal au *banmal est bien plus long et compliqué que celui du vouvoiement au tutoiement.
* Le banmal, l’antonyme du jondaenmal, est à peu près l’équivalent du tutoiement mais son champ d’application est beaucoup plus restreint que ce dernier.
Le temps et les conditions qu’on met pour passer de l’un à l’autre dépend du tempérament de chacun et du contexte dans lequel il est élevé. C’est comme chez vous.
Mais en règle générale, cela requiert un degré de familiarité plus élevé que chez les francophones pour passer au banmal, d’autant plus que le jondaenmal familier qui se termine en « yo » n’est pas aussi lourd que le vouvoiement.
En Corée, pour « se tutoyer », il faut qu’on devienne d’abord des amis très proches. Lorsqu’on passe à cette étape, on demande généralement le consentement à son interlocuteur.
Et là, l’âge constitue un facteur clé pour déterminer le choix de la formule à adopter, le jondaenmal ou le banmal. Si l’un des deux est nettement plus âgé, de plus de cinq à dix ans par exemple, le plus jeune continuera à utiliser le jondaenmal informel mais de manière très familière et le second, le banmal.
Par exemple, quand je parle à mes amis francophones plus âgés que moi et qui parlent le coréen, je les tutoie en français mais en coréen, je n’utilise pas le banmal alors que, eux, ils s’adressent à moi en banmal.
Mais attention ! Avant d’arriver à ce degré de familiarité, il est préférable que les plus âgés comme les plus jeunes se parlent en jondaenmal à moins que les premiers soient des incultes ou des conservateurs très réactionnaires. Ce n’est point automatique, l’usage du banmal d’un aîné à un plus jeune, contrairement à ce que croient certains étrangers.
3. L’apprentissage du jondaenmal, de la politesse et du respect aux aînés constituent encore aujourd’hui un des axes principaux des élèves de l’école maternelle et de l’école primaire. Mes oursons maîtrisent correctement le jondaenmal grâce à ce cursus et ils se corrigent mutuellement quand ils font une erreur. C’est très mignon !
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