JO de Séoul 1988 : histoire et souvenir personnel




Si la série « Reply 1988 » commence par un épisode lié aux JO de Séoul, ce n’est point un hasard. C’est LE grand tournant de l’histoire contemporaine de la République de Corée qui permit de retrouver au peuple coréen de retrouver la confiance en lui-même. 

Voici son histoire palpitante pleine de rebondissements, d’embuscades et d’obstacles mais qui s’achèvera par un « happy end». A la fin, je vous raconte mon souvenir personnel lié aux JO de Séoul. 

1. A l’origine des JO de Séoul (1979-1981)

Tout commença en 1978 avec les 42e Championnats du monde de tir que la Corée du Sud venait d’accueillir avec succès. Cette belle performance encouragea le président de l’époque, Park Jung-hee, à tenter d’accueillir les Jeux Olympiques de 1996 pour trouver de nouveaux moteurs de croissance du pays. Ainsi, le 1er septembre 1979, Séoul manifesta officiellement sa volonté de les accueillir. 

Cependant, Park, qui se maintenait au pouvoir depuis son coup d’État du 16 mai 1961, fut assassiné par l’un de ses proches le 26 octobre 1979. Dans le désordre total, Séoul retira sa candidature en janvier 1980. 

Or, le général Chun Du-hwan, qui se fit élire comme président en septembre 1980, ressuscita ce projet en novembre 1980. Il s’était emparé du pouvoir en décembre 1979 par un coup d’État et venait de réprimer violemment tous les mouvements démocratiques, notamment celui de Gwangju du 18 mai 1980…

Pour détourner l’attention des citoyens, le dictateur décida de se lancer en lice pour accueillir les JO de 1988. 



Un coup de chance pour la Corée ? A ce moment-là, trois villes, Alger, Sydney et Athènes, venaient de retirer leur candidature parce que Montréal, qui organisa les JO de 1976, venait de faire faillite après avoir enregistré un déficit sans précédent. Ce n’était pourtant pas sa faute, c’était à cause du 2e choc pétrolier qui frappa de plein fouet le monde entier au milieu des années 1970. 

Une seule ville resta en lice… Nagoya du Japon qui avait préparé sa candidature depuis 1977. Le Japon était l’un des pays les plus riches à l’époque alors que la Corée du Sud venait à peine de sortir d’une grande pauvreté. Par ailleurs, la Corée du Nord œuvra activement auprès des nations communistes pour soutenir le Japon ! 

Séoul ne se découragea pas et mena une campagne à tous azimuts à la fois auprès des pays non alliés et des pays industrialisés européens et américains. 

Aux premiers, on faisait appel à la solidarité entre les pays en développement. Auprès des seconds, on rappela que le Japon put devenir rapidement leur « concurrent redoutable » sur le plan économique après avoir réussi à organiser les JO d’été en 1964 et les JO d’hiver en 1972. 

Ainsi, à la grande surprise du monde entier, un petit pays dont le nom était à peine connu réussit à battre le géant japonais à 52 votes contre 27 lors de l’assemblée générale du CIO tenu à Baden-Baden le 30 septembre 1981 ! 

2. Les préparatifs des JO et le mouvement démocratique du juin 1987

Aussi loin que je me souvienne, moi, née en 1979, tous les Coréens réunirent leurs efforts pour montrer au monde entier ce dont était capable le petit pays martyrisé tout au long du dernier siècle par l’occupation japonaise et la guerre fratricide.

Chun Du-hwan tenta de profiter de ce zèle du peuple pour renouveler son mandat contrairement à ce qu’il avait promis lors de son investiture en 1980. 

Il prétendit qu’il fallait reporter après les JO de Séoul la révision de la Constitution visant à adopter le suffrage universel direct pour la présidentielle prévue en 1987.

Les citoyens se soulevèrent massivement en juin 1987 contre cette tentative et Chun Du-hwan fut obligé d’accepter leur revendication. La Constitution fut révisée en octobre 1987 comme promis, et la présidentielle eut lieu en décembre 1987 au suffrage universel direct pour la première fois depuis 1971. 


Grâce à ce grand exploit démocratique et à la stabilité politique retrouvée, le gouvernement ainsi que le comité olympique d’organisation de Corée réussirent à s’assurer du soutien de la communauté internationale et de nombreuses grandes entreprises coréennes et étrangères qui n’hésitèrent pas à sponsoriser cet évènement. 

Cependant, à l’approche du jour-J,  la Corée du Nord se démena comme un diable dans l’eau bénite pour faire échouer les JO de Séoul. Mortellement jaloux, Pyongyang commit plusieurs attentats terroristes dont le plus tragique est l’explosion d’un avion de Korean Air qui éclata le 29 novembre 1987. 115 civils innocents furent tués… 

Notre voisin du nord multiplia, en même temps, des démarches diplomatiques pour dissuader les pays communistes de venir à Séoul. Ce qui lui sembla, de prime abord, tout à fait faisable. Car, les pays du bloc de l’Ouest avaient boycotté les JO de Moscou en 1980 et inversement lors des JO de Los Angeles en 1984.

En face, Séoul mobilisa lui aussi tous ses moyens pour faire participer les pays du bloc de l’Est. La Chine, la plus grande alliée de la Corée du Nord, manifesta la première sa volonté de venir à Séoul en juillet 1984. Et enfin, au début de l’année 1988, l’URSS annonça sa participation aux JO de Séoul, ce qui entraîna un bon nombre de pays communistes à faire de même. 

Au final, un total de l60 Etats, soit le plus grand nombre de pays participants depuis la création des JO en 1896, vinrent à Séoul en septembre 1988. 

3. Mon souvenir lié aux JO

Je venais d’avoir 9 ans au moment de l’inauguration des JO le 17 septembre 1988. Cette journée avait été proclamée comme jour férié provisoire. Le Ciel semble bénir la Corée avec son soleil radieux et sa couleur limpide d’automne dès le petit matin. 

Comme on le voit dans Reply 1988, les yeux de tous les Coréens étaient rivés sur les écrans. Beaucoup d’entre eux avaient acheté de nouveaux téléviseurs et magnétoscopes, y compris mes parents, pour immortaliser ce moment historique. C’était tellement émouvant qu’on n’arrivait pas à croire nos yeux… Enfin, notre long rêve était en train de se réaliser en chair et en os. 


Le pays vécut dans une véritable liesse pendant les seize jours qui suivirent cette cérémonie solennelle. Maman travailla comme interprète bénévole coréen-japonais dans l’hôpital du village des athlètes. Qu’on était fier d’elle quand l’actuelle mamie Ours sortait dans son uniforme de bénévole pour rejoindre le village des athlètes ! Qu’elle était belle du haut de ses 38 ans… 


Elle fut souvent absente pour son travail mais mon frère et moi ne nous en plaignîmes point. Car notre père, l’actuel papy Ours, prit quelques jours de congés pour nous amener à des matchs, des concerts et spectacles ou dans des restaurants chics. C’est dans l’un de ces restos qu'on goûta nos premières côtelettes d’agneau préparées à la française ! Il nous gâta beaucoup plus que maman ne l’aurait fait. 

Un samedi, on alla voir différentes épreuves d’athlétisme au stade olympique de Jamsil. Le stade était rempli d’une grande foule ! L’épreuve du100 mètres masculin attira le plus d’attention. Qui remporterait l’or, l’américain Carl Lewis ou le canadien Ben Johnson ? Ben Johnson arriva le premier avec le record mondial de 9, 79 secondes ! Mais nous fûmens très déçus lorsqu’il fût disqualifié, quelques jours après, pour dopage..



Mon père nous invita également à un concert de musique de chambre donné par le Tokyo Ensemble. Il se tint au Seoul Art Center qui venait d’ouvrir ses portes pour l’occasion. On découvrit également Turandot de Puccini donné par la troupe de la Scala de Milan au Sejong Center. 

Aucun embouteillage sur les routes de Séoul, car tout au long des jeux, la circulation alternée était imposée. 

Et chaque soir, maman nous raconta sa journée passée au village des athlètes, remplie de nouvelles rencontres toutes plus palpitantes les unes que les autres. Elle avait vu telle ou telle vedette, notamment la gymnaste roumaine Daniela Silivas et sa rivale russe, Yelena Shushunova : « Mais elles sont toutes menues et petites », commenta-t-elle. « Puis, on voit tous les jours d’autres athlètes soviétiques et des pays de l’Europe de l’Est. Finalement, ils sont comme nous, très sympa et gentils, ces communistes. » poursuivit-elle en montrant fièrement des badges représentant Michel, la mascotte des JO de Moscou qu’elle avait reçu de la part de l’équipe soviétique. 

Enfin, chaque jour, nous suivîmes de près les aventures de nos athlètes. A chaque fois qu’ils décrochaient des médailles, tout le quartier poussait à l’unisson un grand cri de joie. L’équipe sud-coréenne ne déçut pas nos attentes en récoltant un total de 12 médailles d’or, 10 d’argent et 11 de bronze. 

Mais toutes les bonnes choses ont une fin. Lors de la cérémonie de la clôture, qui se déroula le soir du 2 octobre, chacun de nous ne put s’empêcher de pleurer d’émotion, car on était à la fois fier d’avoir organisé avec succès ce grand évènement mondial et triste de devoir dire au-revoir aux délégations venues du monde entier qu’on avait accueillies si chaleureusement. 

A la fin de la cérémonie, beaucoup d’habitants de mon complexe d’appartement montèrent sur les toits-terrasses de leur bâtiment pour admirer les feux d’artifice. Et chaque étincelle fut gravée à vie au cœur de tous mes compatriotes qui eurent la chance de vivre l’une des pages les plus glorieuses de l’histoire de Corée…

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