L'histoire de la mandarine en Corée


J’avais six ans, lorsque ma mère s’affola, un jour, en découvrant mes mains et pieds devenus tout jaunes. Elle soupçonna quelque maladie de foie. A l’hôpital, le diagnostic tomba : la petite avait tout simplement mangé trop de mandarines et le jaunissement disparaîtrait sous peu.  

En effet, cette agrume d’hiver est un compagnon indissociable des enfants pendant la saison froide où ils sont obligés, pour la plupart du temps, à rester à la maison. 
Le fruit ne nécessitant pas d’ « intervention armée » (pas besoin de couteau pour éplucher et découper) pour être servi, il convient également aux mères de famille. 

A leur tours, les petits adorent l’éplucher eux-même, en détacher un à un des quartiers avant de le mettre dans leur toute petite bouche. Ainsi, en coréen, on dit « éplucher et manger de la mandarine » (귤을 까먹다) au lieu de dire simplement « manger », comme cette petite opération fait partie du plaisir de déguster la chaire fraîche et sucrée de la mandarine, dans un petit coin bien chauffé de la maison. 



Mais ce n’est qu’à partir des années 1970 que ce fruit, cultivé sur l’île de Jeju, entrera dans la vie quotidienne des foyers ordinaires de Corée du Sud. 

D’après les archives, la culture de la mandarine sur cette île méridionale daterait de l’époque du trois royaume (57 avant.J.C- 668). Puis, tout au long des dynasties de Goryo(918-1392) et de Joseon (1392-1910), considérée comme un fruit de luxe, elle faisait partie des offrandes consacrées au roi. Toujours selon les documents, Sejong le Grand (oui, le créateur de hangeul), aurait offert des mandarines à l’une de ses maîtresses en signe de faveur. 

Or, dans les années 1960, le gouvernement encouragera les agriculteurs de Jeju à se concentrer sur cette culture, ce qui a eu pour effet à la fois d’augmenter leurs revenus et de démocratiser cet agrume royale, en la rendant plus accessible à tous les habitants du pays ! 

Et si jamais vous vous rendez sur l’île de Jeju entre octobre et février, vous pourrez aller cueillir vous-même dans un verger ces mandarines, moyennant 15 000 à 20 000 wons (11 à 15 euros) ! Il y a aussi un musée de mandarine sur cette île qui, avec bien d’autres charmes, ne cesse d’attirer des touristes coréens comme étrangers.



Note 

C’était en 1964. Le président de l’époque, Park Chung-hee (1917-1979), le général de division qui arriva au pouvoir en 1961 par coup d’État, visita l’île. Il ordonna au gouverneur de Jeju de « promouvoir activement la culture de mandarine » hautement rentable. 

Un plan quinquennale du développement en la matière (spécialité du président Park) fut ensuite élaboré. Les agriculteurs y adhéraient volontiers, comme les mandarines rapportaient tellement qu’on appelait le mandarinier « arbre d’université », comme il leur permettait de gagner des frais d’inscription de faculté de leurs enfants !

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