L'histoire des gisaengs


«Tu vendras le chant mais pas le corps. 매창불매음(賣唱不賣淫).  »

Tel était le principe des « gisaengs (기생) », les femmes qui avaient pour mission d’accompagner les hommes aristocrates dans des banquets officiels ou privés. En effet, jusqu’au début de dynastie de Joseon, se livrer à la prostitution leur était interdit. 

J’ai rédigé ce petit article, car, souvent, dans des films ou séries historiques, on décrit  des gisaengs comme de simples filles de mœurs légères. Bien qu’elles appartinssent à la classe sociale la plus basse, en dessous des femmes roturières, ce n’était pas forcément le cas. 
Cette catégorie de femme bien singulière existait déjà depuis la dynastie de Gyoryo (918-1392) . Puis, leur formation et leur contrôle furent institutionnalisés sous la dynastie de Joseon (1392-1910). 

Devenir gisaeng n’était pas une mince affaire. La beauté physique ne suffisait pas. Il fallait apprendre, dès leur plus jeune âge, dans des centres de formation désignés par l’État, la littérature, la philosophie, la peinture, la danse, le chant et la maîtrise de différents instruments musicaux. Même une fois devenue gisaeng, il leur fallait suivre régulièrement cette formation et se soumettre à un examen pour maintenir ces techniques. 


Alors, pourquoi ce besoin de former à part ce genre de dames hyper cultivées parmi les femmes dont le statut social était le plus bas ? 

Parce qu’il n’était pas imaginable que les femmes « ordinaires » assistassent à des réunions où il se trouvaient d’autres hommes que leurs maris ou leurs parents. Hors de question pour elles de tenir les salons comme ces anciennes dames aristocrates ou bourgeoises de chez vous ! 

Ces gisaengs, grâce à leur éducation de haut niveau, assuraient  la présence féminine à la place des femmes des classes supérieures. 


Elles avaient, en effet, pour missions principale, de rehausser l’ambiance des banquets et d’autres évènements organisés par la Cour ou d’autres établissements publics avec leurs réparties pleines d’esprit, leurs remarques intelligentes sur telle ou telle affaire d’État, tout en jouant le rôle de ballerine, de cantatrice ou d’instrumentaliste. Une sorte de mélange de madame de Sévigné, Clara Schumann et Anna Pavlova. 

Ainsi, la plupart des gisaengs étaient, en quelque sorte, des fonctionnaires inscrits à la mairie d’une ville où elles résidaient. Et on appelait ces agents « gisaengs officielles ou publiques (관기) ». La gestion de ce personnel artistique était l’une des missions importantates des gouverneurs. 

Dans ce contexte, s'il y avait des gisaengs célèbres appartenant à leur mairie, tels que Hwang Jini ou Lee Mae-chang, les gouverneurs en étaient très fiers et essayaient d’entretenir de bonnes relations avec elles. Par ailleurs, il était mal vu que ces deniers abusent de leur pouvoir pour avoir des liaisons tapageuses avec elles. 

Ceci dit, les gouverneurs n’étaient pas toujours accompagnés de leurs épouses dans les villes ou districts où ils étaient affectés. Ainsi, il arriva parfois qu’ils prennent une de ses gisaengs comme maîtresse provisoire. Plus rarement, ils tombèrent sérieusement aoureux avec elle et l’amenait à Séoul comme sa maîtresse officielle à la fin de leur mandat. (Oh les hommes… ils sont faits tous de la sorte.)



Parmi elles, les gisaengs de Pyongyang (actuelle capitale nord-coréenne) étaient les plus célèbres car les émissaires chinois passaient souvent par là. 

Et il arrivait parfois qu’elles se révoltèrent lorsque certains de ces émissaires qui ne connaissaient pas très bien les domaines couverts par ce métier leur demandaient un peu plus de contribution que ce qu’il ne fallait. 

Certaines d’entre elles étaient très riches et possédaient une grande maison et plusieurs subalternes. Elles bénéficiaient même de la dérogation de la loi relative à l’interdiction du luxe, ce qui leur permettait d’arborer à leur guise de riches parures et des vêtements dont la splendeur aurait même fait pâlir d’envie des dames nobles. 



Hélas, leur classe sociale si basse obligeant, au fil du temps, on distinguait trois catégories de gisaeng. Les gisaengs de premier ordre, qui assistaient notamment à des évènements royaux, restaient fidèle au principe initial. Et elles avaient pour clients les membre de la famille royale ou les hommes aristocrates les plus hauts placés. 

Celles de deuxième ordre prenaient un peu plus de liberté avec des hommes qui leur plaisaient bien ou leur offraient une contre-partie conséquente. Il leur arrivait aussi de ne pas avoir le choix que de céder face à la demande réitérée des aristocrates puissants. 

Enfin, celles de troisième ordre se livraient plus souvent au commerce charnel comme elles ne disposaient pas de compétences aussi performantes que celles de leurs consœurs de deux catégories supérieures. 


C’était surtout l’occupation japonaise qui porta définitivement atteinte à leur image. 
Les autorités occupantes traitaient les gisaengs, quelle que soit leur catégorie, comme ce que vous pourrez très bien imaginer à tel point que certaines d’entre elles se soulevèrent contre eux en refusant de devenir les « putes » des Japonais.

Par ailleurs, plusieurs d’entre elles étaient résistantes actives durant l’occupation. Elles jouaient volontiers les rôles des espions et faisaient dons pour soutenir les mouvements indépendantistes, comme ce fut le cas lors de la guerre d’invasion japonaise (1592-1598). 

Cette profession a doucement disparu après la libération. Mais depuis, des recherches ont été faites pour redorer le blason ces artistes multi-talents, qui ont été considérées à tort comme des prostituées de luxe sous l’occupation japonaise. 


Aujourd’hui, leur contribution pour la transmission de la danse et de la musique est pleinement reconnue. Et leur vie et leur esprit qui étaient plus libres que ceux des autres femmes sont mieux appréciées. Enfin, à l’école, on apprend les poèmes composés par certaines d’entre elles, dont Hwang Jini et Lee Mae-chang, célèbre pour son amitié platonique avec Heo Gyun, écrivain et homme d’État du 16e et du 17e siècles.

Commentaires

  1. N’est-il pas préférable d’avoir une amitié sincère plutôt qu’un amour misérable ? Je pense et je crois que la plupart des gisaengs étaient des femmes intelligentes en plus d’être belles, mais qui n’ont pas eu la chance ou la pudeur à cause de leur naissance de choisir, pour être mariées à de bons partis.

    RépondreSupprimer
  2. Je me demande si elles avaient le choix de devenir gisaens ou pas ?

    RépondreSupprimer
  3. C'est une vie particulière que celle d'une gisaens.
    S'était par des voix
    détournées encore le plaisir
    des hommes

    RépondreSupprimer

Enregistrer un commentaire