Comme bien d’autres choses, elle évolue vite. Si je commence par la conclusion, on boit moins mais mieux. Et on boit beaucoup plus souvent en privé que dans le cadre du travail.
A mon avis, cette évolution s’expliquerait notamment par la participation accrue des femmes aux activités économiques, par le changement de la génération ainsi que par l’amélioration du niveau de vie. Et plus récemment, le Covid a enfoncé le clou.
Mais ces fameux banquets collectifs arrosés suivis de karaokoé et compagnies, qui se tiennent dans des restos de barbecue, se pratiquent encore, même si beaucoup moins souvent qu’autrefois. Ainsi, je comprends que ce genre de scènes que vous apercevez parfois dans les séries incite votre curiosité.
Voici, le récit de l’évolution de la culture de l’alcool et celle du travail au cours de ces dernières décennies comme j’ai ressenti pendant que je travaillais encore entre 2006 et 2014. J’y ajouterai ce que j’ai entendu de mes proches et dans les médias.
1. Lorsque je travaillais encore entre 2006 et 2014
Quand j’ai commencé à travailler en 2006 dans une entreprise particulièrement exigeante, la tradition des repas collectifs arrosés était encore bien présente.
On organisait régulièrement des banquets collectifs que ce soit au niveau du bureau ou de la division générale et comme on travaillait souvent tard le soir, on allait parfois boire de la bière après le travail, vers 22h ou 23h le soir. Et il était difficile de dire non lorsqu’un supérieur avait envie de souper ou de boire avec ses agents, etc, même si ça arrivait assez souvent.
Mais cette culture a tellement vite évolué que j’ai été prise de court. A mesure que le nombre des femmes cadres, souvent mères de famille, augmentait, de plus en plus de bureaux faisaient plutôt des repas de midi collectifs. Les banquets de soir existaient encore mais se faisaient de moins en moins souvent.
Les lieux choisis pour ces repas collectifs ont également évolué. Avant, c’était plutôt dans des restos de barbecue ou de poissons crus. Mais des directeurs (surtout directrices) qui se voulaient branchés optèrent pour des restaurants chics où on boit du vin au lieu de soju. Après le souper, on prenait un petit café et se séparait tôt. On allait encore à des karaokés mais de moins en moins souvent.
Cela n’empêchait pas que des jeunes employés, souvent célibataires, organisent entre eux des petits repas du soir mais dans la plupart des cas, c’était discret. Surtout pour que le directeur n’en soit pas informé!
Mon mari a confirmé que cette tendance s’ancre de plus en plus fermement dans des entreprises, notamment après le Covid. Lui, il soupe une ou deux fois par semaine dehors, avec ses collègues ou ses copains, mais c’est presque toujours à titre privé et il est rare qu’il rentre plus tard que 22h. Son bureau organise pourtant des banquets collectifs du soir, une ou deux fois par semestre.
2. On ne boit plus pour se soûler mais pour apprécier la beauté de la vie
Pour les hommes de la génération de mon père, c’est de loin le soju qui était le plus bu. Bon marché et facile à trouver.. A l’époque, ça ne plaisantait pas. Le degré d’alcool s’élevait à 25 à 30.
Pas de soju aromatisé. Alors que les femmes qui buvaient étaient mal vues, pouvoir supporter une grande quantité d’alcool était considéré comme signe de bonne santé.
Or, au fil des ans, le degré d’aloocl du soju n’a cessé de baisser pour se situer, en règle générale, en dessous de 20 degrés. On a aussi vu l’essor de différents types de sojus aromatisés et moins forts que le soju nature.
A mon avis, cette préférence pour des sojus allégés s’expliquerait une nouvelle fois par l’augmentation des femmes qui travaillent. Dans ce contexte, les femmes qui boivent ne sont plus aussi mal vues qu’autrefois mais elles préfèrent boire, en règle générale, de l’alcool moins fort et si c’est possible, plus fin.
Entre-temps, les revenus des Coréens ont grimpé, leurs conditions de vie se sont considérablement améliorées. Ils ont commencé à beaucoup voyager à partir de l’année 1989 et la signature de différents traités commerciaux leur a permis d’accéder à des alcools qui avaient été réservés jusque là qu’à des riches, notamment le vin.
Les Français ont été (et sont toujours) cités comme exemple en matière de la culture de l’alcool car on dit qu’ils ne boivent pas pour être ivre mais pour mieux apprécier la beauté de la vie.
On a également assisté à l’importation accrue de différentes marques de bière du monde entier qui ont également eu du succès. Ainsi, beaucoup de Coréens savent, par exemple, que la Belgique est très célèbre pour la bière. Le couple de l’un de mes beaux-frères, grand amateur de bière, a fait plusieurs séjours en Belgique et en Allemagne. Finalement, ils ont préféré la Belgique comme « on y mange bien mieux. »
3. De plus en plus de Coréens préfèrent boire en privé
Le roi Séjong avait un total de cinq grands-frères. Trois d’entre eux décédèrent en bas âge et seuls lui et deux frères purent atteindre l’âge adulte. Son père, le roi Taejong (Yi Bang-won) désigna d’abord son 4e grand-frère, le prince Yangnyeong, comme dauphin. Mais comme ce dernier était un grand vaurien, il finit par le destituer et nomma son 6e fils comme successeur et qui devint Séjong.
Alors, pourquoi pas le 5e fils, le prince Hyoryeong : « Car il est trop gentil, il ne fait que sourire et qu’il ne boit pas du tout. » Car il était important pour les aristocrates de l’époque de pouvoir boire de l’alcool pour établir des réseaux ou de recevoir des invités de marque, comme les diplomates chinois dans le cas précis de la famille royale.
Cette tradition a longtemps survécu et il était important pour les hommes, que ce soit des hommes d’affaires ou des fonctionnaires, de pouvoir bien boire pour leur travail. Mais pour la même raison qu’on organise moins de soupers collectifs arrosés, notamment en raison de l’augmentation des femmes cadres, cette pratique est devenue moins courante.
Aujourd’hui, de plus en plus de Coréens préfèrent déguster un bon alcool en famille ou en compagnie de leurs proches. Et beaucoup d’entre nous aimons boire du bon vin pour accompagner nos repas de fête !
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