L’histoire des relations entre les Coréens et les Mandchous jusqu’au 17e siècle

La série My Dearist a pour fond historique la 2e guerre d'invasion manchoue. 

Différentes dynasties coréennes, notamment Goguryeo (37 av.J.-C. à 668), Shilla(57 av. J.-C. – 935), Goryeo(918-1392) infligèrent plusieurs défaites sanglantes à des Chinois ou d’autres forces étrangères qui s’emparèrent du territoire chinois, comme les Khitans ou les Jurchens (ancêtres des Mandchous) lorsque ces derniers tentèrent d’envahir la Corée. 

Bien sûr, on dut également essuyer quelques défaites, y compris deux capitulations sanglantes. Cependant, ces réédition n’aboutirent pas à l’occupation totale du territoire coréen par les vainqueurs. 

La première survint suite à la septième invasion mongole au 13e siècle. Goryeo (918-1392) sut, néanmoins, résister pendant 37 ans contre l’armée la plus puissante du monde à l’époque. Ce qui finit par susciter l’admiration des envahisseurs. Par conséquent, ces derniers consentirent à garantir l’autonomie du pays même s’ils intervinrent souvent dans les affaires de Goryeo jusqu’à ce que ce dernier mit fin à l’ère de l’intervention mongole 97 ans plus tard. 

La deuxième eut lieu à l’issue de la 2e invasion mandchoue. 

Avant d’aborder cette guerre qui constitue le thème majeur de la série « My Dearest », il me semble important de vous présenter brièvement l’histoire des relations entre les Coréens et les Mandchous depuis l’antiquité. Ce court exposé vous permettra de mieux saisir les principaux enjeux de ce conflit. 

« Mohe » et « Jurchens » sont des anciennes appellations des Mandchous. 

1. Les ancêtres des Mandchous, « Mohe », faisaient partie du peuple de Goguryeo et de Balhae
Le territoire de Goguryeo à son apogée au 4e siècle

Selon Wiki, « Les Mohe (靺鞨, Malgal en coréen) sont un peuple toungouse de l'ancienne Mandchourie. Ils sont parfois considérés comme les ancêtres des Jurchens et des Mandchous… Ils sont impliqués dans l'histoire de la Corée : au 1er et au 2e siècle, ils ont livré de nombreuses batailles contre les royaumes de Baekje et de Shilla. Ils ont ensuite été intégrés au royaume de Goguryo (37 AV.J.-C. à 668) puis de *Balhae (698 à 926) dont ils formaient une grande partie de la population. »

* Balhae est une dynastie que des réfugiés de Goguryeo fondèrent suite à l’effondrement de ce dernier par Shilla. 

Le territoire de Balhae en 830

2. Goryeo maintint de bonnes relations avec les Jurchens (ancêtres des Mandchous)

Suite à l’effondrement de Balhae par les Khitans en 926, les Jurchens formèrent de petites tribus et résidèrent dans le nord de Goryeo et en Mandchourie. Certains d’entre eux s’installèrent à Goryeo. La Cour de Goryeo surveillait leur mouvement car ils pillaient parfois les villages frontalières. Mais en règle générale, les Jurchens considéraient Goryeo comme pays père et gardèrent de bons liens avec Goryeo. 

Or, au début du 12e siècle, les Jurchens fondèrent la dynastie Jin (1115-1234) et réussirent à faire s’effondrer l’empire des Khitans (dynastie Liao) en coopération avec la dynastie chinoise Song en 1125.

Le territoire des Jurchens (Dynastie Jin, marqué en orange) au début du 13e siècle. "Koryo" est l'ancienne romanisation de "Goryeo"


Deux ans plus tard, en 1127, les Jurchens repoussèrent son allié chinois au sud du fleuve Yangzi. Ce qui marque le début de l’ère de Song du Sud que les Mongols conquièrent en 1279. 

Avec Goryeo, ils procédèrent de la même manière que leurs descendants avec Joseon(1932-1910). Et pour cause. Leur situation était très similaire à celle des Mandchous à l’époque. Ils étaient en guerre d’abord avec les Khitans ensuite avec la dynastie Song. Ils avaient besoin de s’assurer, sinon le soutien, au moins la neutralité politique de Goryeo pour sécuriser l’arrière front sud-est. 

Soit dit en passant, c’était aussi le but des invasions de Goryeo par les Mongols qui se battaient contre Song du Sud. 

Ainsi, en 1117, les Jurchens demandèrent à Goryeo de contracter une alliance égalitaire. Goryeo rejeta cette proposition. Contrairement aux Mandchous, ils n’envahirent pour autant pas Goryeo. Car ils étaient trop occupés par leurs guerres contre les Khitans. Surtout, ils étaient pleinement conscients que Goryeo était une puissance militaire de la région. Ils se souvinrent que Goryeo avait repoussé à trois reprises les Khitans entre les 10e et 11e siècle. 

Mais en 1125, lorsque les Jurchens conquièrent l’empire des Khitans, ils devinrent plus audacieux. Ils demandèrent alors à Goyreo d’établir le système tributaire. 

Le système tributaire est une forme d’alliance économique, diplomatique et militaire pratiquée en Asie du Nord-est depuis l’antiquité. Les puissances de la région, notamment la Chine, demandèrent à leurs pays voisins de reconnaître leur supériorité en se désignant leurs sujets et en leur offrant un tribut. En échange, les puissances offrirent des cadeaux plus coûteux à leurs pays tributaires et, la plupart du temps, n’intervenaient pas  dans leurs affaires. 

Contrairement à Joseon, Goryeo accepta cette proposition en jugeant la force militaire des Jurchens supérieure à la sienne. En contrepartie, il demanda de ne pas franchir la frontière, ce que son nouveau partenaire accepta volontiers. En parallèle, Goryeo continua d’avoir des échanges avec la dynastie Song du Sud par la voie maritime et maintint la posture de la défense sans faille au nord au cas où les Jurchens tentent de l’envahir. La dynastie Jin fondée par les Jurchens fut conquise par les Mongols en 1234. 

3. Joseon et  les Jurchens jusqu’au début du 17e siècle

Depuis l’effondrement de l’empire des Mongols (dynastie Yuan) à la fin du 14e siècle, les Jurchens formèrent de nouveau une myriade de petites tribus et vivaient au nord de la péninsule coréenne et en Mandchourie.

La dynastie Ming qui repoussa les Mongols au nord du territoire chinois en 1368 et la dynastie Joseon fondée en 1392 gardèrent toujours un œil sur ces peuples qui constituaient une éventuelle menace. La stratégie de Ming consistait à semer la zizanie aux tribus jurchens pour les empêcher de s’unifier et de former un Etat puissant comme la dynastie Jin.  

De son côté, Joseon suivit, lui aussi, de près le mouvement de ce peuple. En raison de cette vigilance des deux pays alliés, les Jurchens ne purent pas tenter, pendant longtemps,  de retrouver leur gloire du passé. Or, en 1583, un jeune homme de 24 ans nommé Nurhachi, devint le chef d’une petite tribu. Dès son arrivée au pouvoir, il n’arrêta pas d’unifier d’autres tribus. Cette extension de son pouvoir préoccupa Ming mais au moment où il tenta d’intervenir, la guerre d’invasion japonaise avait éclaté en 1592. Ming envoya d’importants renforts pour épauler Joseon. Ainsi, ce conflit régional permit à Nurhaci de poursuivre tranquillement ses conquêtes sans trop attirer l’attention de Ming et de Joseon.

Après avoir unifié la plupart des tribus jurchens, Nurhaci fonda la dynastie des Jin postérieurs en 1616. 

En 1616, Nurhachi fonda la dynastie des Jin postérieur (en jaune) pour revendiquer la lignée de la dynastie jurchen Jin. Son successeur Huang Taïjï changea le nom à Dynastie Qing"

Cette ascension fulgurante des Jurchens alarma le roi Gwanghae qui accéda au trône en 1608. Il lui sembla urgent d’assurer la sécurité de la frontière du nord avec la dynastie jurchene. Il décida d’éviter de provoquer la nouvelle puissance voisine dans la mesure du possible et garda le contact avec elle.

Or, en 1618, Gwanghae se trouva confronté à un grand dilemme. Une grande bataille venait d’éclater entre Ming et les Jurchens. Ming demanda à Joseon de leur envoyer des renforts. 

Gwanghae dépêcherait-il des troupes pour aider Ming qui avait soutenu Joseon pendant la guerre d’invasion nippone ou refuserait cette demande pour ne pas froisser la nouvelle puissance de la région ? 

La suite et l’histoire des première et deuxième invasions mandchoues à suivre dans ma publication suivante, "Les invasions mandchoues au17e siècle"

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