Epouse vs maîtresse à l’époque de Joseon



1. Le système matrimonial de Joseon (1392-1910)

A l’époque de Joseon, le concubinage était largement toléré et pratiqué. Pourtant, sur le plan juridique, Joseon était une société monogamique. 

Même le roi était soumis à cette règle, même s’il pouvait officiellement prendre plusieurs concubines à la fois. Mais il ne pouvait se marier qu’avec une seule femme. 

Ainsi,  quand je parle de « la seconde épouse » ou de « la troisième épouse » de tel ou tel roi de Joseon, cela signifie les femmes que le monarque épousa après la mort de sa première ou de sa seconde épouse.

Par ailleurs, rester fidèle à sa femme était prôné comme l’une des vertus des hommes confucéens idéaux. La lettre de la dame Song que j’ai présentée il y a une semaine, témoigne bien cette ambiance. 
* Pour l’histoire liée à cette lettre : https://ours15.blogspot.com/2023/12/lamour-dun-couple-daristocrates-du-16e.html

Conformément à cet état d’esprit,  la Cour mit en place une série de dispositifs pour inciter les hommes à rester vertueux. 

Mais avant d’entrer dans le vif du sujet, je voudrais vous présenter une petite anecdote craquante pour vous expliquer brièvement le système matrimonial de Goyreo (918-1932), la dynastie coréenne précédente de Joseon. 

2. Le système matrimonial de Goryeo

Il n’est pas certain que la société de Goryeo était monogamique. Mais la plupart des historiens présument que c’était bien le cas. 

Seul le roi jouissait d’une dérogation. Il pouvait prendre plusieurs épouses pour des raisons politiques afin de s’allier avec des nobles influents. C’est que le pouvoir du roi n’était pas encore aussi puissant qu’à l’époque de Joseon. 

Cependant, à la fin de la dynastie, il était à la mode parmi de nombreux aristocrates, d’épouser plusieurs femmes. C’était parce que cette coutume fut transmise du puissant empire des Mongols (la dynastie Yuan).  Pourtant, il semble que cette pratique restait illégale comme en témoigne l’anecdote suivante. 

Un jour, un officiel de la Cour, un nommé Park Yu, proposa au roi de légaliser officiellement la polygamie. Ceci provoqua une levée de boulier générale chez les femmes. Leur indignation explosa lors d’un défilé des lanternes organisé par l’État à l’occasion de l’anniversaire de Bouddha. Tous les officiels du roi y étaient présents, dont Park Yu. 

Il y avait aussi une immense foule qui était venue pour admirer ce beau spectacle. Parmi eux, une dame âgée reconnut Park avant de s’écrier : « Le voilà, ce vilain vieillard qui demanda au roi de permettre aux hommes de prendre librement des maîtresses ! »  A ce cri, toutes les femmes qui y étaient présentes lui montèrent du doigt. Face à cette contestation vigoureuse, ce projet fut finalement avorté.

3. Les droits des épouses de Joseon

Les premiers rois de Joseon s’efforcèrent à mettre fin à la pratique polygamique clandestine largement répandue chez les nobles. Dans cet objectif, une série de dispositifs protégeant les droits et la position supérieure des épouses fut mise en place.

Voici quelques unes de ces mesures : 

- Seules les épouses et leurs parents étaient considérés comme membres officiels  de la famille.

- Seules les épouses pouvaient jouer le rôle de « mère de famille (가모) »,  un statut qui leur donnait le droit de gérer les finances et les domestiques de la maison.

- Quand il s’agissait des épouses des hauts dignitaires, seules les femmes légitimes avaient droit au titre en fonction du poste qu’occupait leur mari. Elles jouissaient de certains privilèges. Par exemple, quand elles étaient convoquées au tribunal, elles pouvaient y envoyer leurs enfants ou (--) leurs domestiques. Ces derniers répondaient aux questions des juges à la place de madame.

- Les conditions du divorce prévues par la loi étaient strictes pour empêcher les maris de répudier arbitrairement leurs épouses. Mais les maîtresses pouvaient être mises à la porte du jour au lendemain sans recours.

4. La discrimination des enfants des maîtresses

Le dispositif le plus plus puissant d’entre eux consistait à discriminer les enfants des maîtresses. Voici quelques exemples des mesures discriminatives à leur encontre.

- Il leur était interdit de passer le concours de haut fonctionnaire civil.

- Ils étaient pénalisés lors de la succession du patrimoine de leur père. Selon la loi, les enfants naturels issus d’une maîtresse appartenant à la classe libre n’avaient droit qu’à un sixième du montant que les enfants légitimes pouvaient toucher comme héritage. Et ceux issus d’une maîtresse de la paria, un neuvième. 

L’histoire de Hong Gil-dong, qui inspira la série « The Rebel », décrit bien la frustration des enfants naturels des aristocrates. Cette œuvre décrit l’aventure d’un génie doté de pouvoir surhumain mais né d’une domestique et d’un Premier ministre. Il est considéré comme le premier roman écrit en hangeul par le célèbre écrivain et homme d’État, Huh Gyun au début du 17e siècle. 

Pour l’histoire de Hong Gil-dong : https://ours15.blogspot.com/2024/01/lhistoire-de-hong-gil-dong.html

5. Les maîtresses étaient plus libres que les épouses
 
La loi de Joseon dissuadait les veuves, notamment les aristocrates, à se remarier, en interdisant les enfants de ces dernières à se présenter au concours des fonctionnaires civils. 

En revanche, les maîtresses n’avaient pas le devoir de rester célibataire et chaste après le décès de leur amant. De toute façon, il était déjà impossible à leurs fils d’occuper un post élevé à la Cour. 

Et même du vivant de leur amant, elles pouvaient à tout moment claquer la porte pourvu qu’elles aient des moyens de vivre ailleurs. Et bien sûr, il leur était libre de reprendre un autre amant ou un autre époux. 

Source : « La vie des femmes de Joseon vue à travers la loi et les coutumes (법과 풍속으로 본 조선 여성의 삶) ». C’est un livre écrit par l’historien sud-coréen Jang Byeong-in (장병인), précurseur des études de l’histoire des femmes de Joseon. Malheureusement, il n’est pas traduit ni en français ni en anglais.

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