« Maman, maman, raconte-nous une histoire de Joseon (1392-1910)! », me prient les oursons chaque soir quand je les couche. Maintenant qu’ils peuvent lire seuls des livres, ils préfèrent écouter des anecdotes craquantes de l’histoire de Corée que je leur raconte. Voici l’histoire du jour.
Il était une fois, un roi très puissant. Son titre posthume est Sukjong (숙종, 1661-1720). Il est le père du roi Yeongjo(영조, 1694-1776). Il était très craint des officiels de la cour et de ses proches car il avait un sacré caractère. Il ne supportait aucun affront de leur part et pour peu qu’il soupçonnât ses courtisans de porter atteinte à son autorité, il les exila ou les exécuta.
C’était également un homme fort capricieux. Il chassa sa reine (la reine Inhyeon, 인현왕후, 1667-1701) pour mettre à sa place sa favorite (Huibin de la famille Jang,장희빈, 1659-1701) . Cinq ans plus tard, il destitua cette dernière et se remaria avec son ex-épouse. Ensuite, il ordonna à son ancienne bien-aimée-concubine-reine-re-concubine de se suicider alors qu’elle était la mère du dauphin. Ce malheureux prince héritier deviendra le roi Gyeongjong (경종, 1688-1724) en 1720 à la mort de Sukjong. Gyeongjong était donc le grand-frère du roi Yeongjo. Retenez bien ces deux noms. Demain, je vous raconterai l’histoire de ces deux frères.
Heureusement, il mit son pouvoir absolu au service du petit peuple. Autant il était sévère avec ses fonctionnaires, autant il aimait profondément le peuple. Il boosta le commerce par la généralisation de l’utilisation de monnaies et fit améliorer la productivité agricole. Il acheva également la grande réforme fiscale (Daedongbeob, 대동법) entreprises dès le règne du roi déchu Gwanghae (광해군,1575-1641).
Par ailleurs, il sortait souvent du palais, déguisé en simple aristocrate, pour trouver quels étaient les problèmes auxquels faisait face le peuple d’en bas dans son quotidien.
En parallèle, il renforça le système de la défense pour que le pays ne subisse plus des guerres aussi catastrophiques que l’invasion des Japonais (임진왜란, 1592-1598) et celles des Mandchous (정묘호란,1627, 병자호란,1636).
Enfin, c’était un roi économe qui menait un train de vie sobre pour ne pas peser sur les contribuables.
Ainsi, presque tous les romans ou contes qui ont pour contexte historique cette période commencent par cette formule « Sous le règne heureux de Sukjong le Grand (숙종대왕 호시절에...) », y compris Le Chant de la fidèle Chunhyang, l’histoire d’amour la plus célèbre de Corée.
* Pour cette histoire : https://ours15.blogspot.com/2023/11/le-chant-de-la-fidele-chunhyang.html
Or, un jour, alors que Sukjong se promenait dans le jardin de sa cour, il découvrit une petite chatte toute maigre gisant par terre. Pris de pitié pour la petite bête, il la ramassa lui-même et ordonna de lui donner à manger.
Elle dévora tout ce qu’on lui offrit et se rétablit vite. Sukjong décida de l’élever en l’appelant « Geumdeok », qui signifie « Vertu dorée » parce qu’elle était blonde. Elle l’accompagna partout. A chaque repas, Geumdeok s’asseyait à côté du roi qui lui donna des mets délicieux, de la viande, du poisson, etc. Puis, l’animal restait sur les genoux de Sukjong lors des réunions avec les fonctionnaires cadres. Même la nuit, elle dormait près de la couche du roi. De quoi rendre jalouses les concubines du monarque !
Lorsque cette dernière mourut de vieillesse, le chagrin de son maître fut insondable. Il lui rédigea cette oraison funèbre :
« La chatte que j’ai élevée est morte. Je l’ai fait enterrer avec soin. Ce n’est pas parce que c’était un animal précieux mais parce que j’ai apprécié sa fidélité et son amour avec lesquels elle m’a suivi. »
Heureusement, Geumdeok avait accouché d’un chaton qui lui ressemblait comme deux gouttes d’eau. Sukjong le baptisa « Geumson », ce qui veut dire « Descendant doré » et le chérissait autant que sa mère.
De leur côté, Geumdeok et Geumson ne se laissaient approcher par aucun autre que leur maître. Ni la reine ni les concubines ne réussirent à les apprivoiser. Pour ces deux animaux, Sukjong était unique au monde.
Cette fois-ci, c’est le roi qui quitta son chat le premier. Le pauvre orphelin sembla inconsolable. Geumson miaula toute la journée tristement en errant partout dans le palais à la recherche de son maître adoré sans manger ni boire. Vingt jours après le décès de Sukjong, Geumson fut découvert sans souffle sur l’escalier menant au pavillon où résidait le défunt monarque.
Toute émue, la veuve de Sukjong, la reine Inwon (인원왕후,1687-1757), ordonna de l’envelopper d’un suaire de soie dorée avant de l’enterrer près du tombeau de son défunt mari.
* La tante de Sukjong, la princesse Sukmyeong, est elle aussi célèbre pour avoir beaucoup aimé son chat. Car dans l’une des lettres écrites en hangeul (photo 2) que son père, le roi Hyojong envoya, ce dernier lui reproche de ne s’occuper que de son chat plutôt que de veiller sur ses beaux-parents.
* En Corée, on appelle ceux qui élèvent les chats, « intendants (집사) » et non pas « maîtres » de ces chats. Car apparemment, il est plus difficile de plaire aux chats qu’aux chiens, comme les félins sont plus délicats et sensibles.
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