Les amoureux coréens, sont-ils aussi pudiques que dans les séries ?


Cette question revient régulièrement dans les réseaux sociaux. Ma réponse est qu’on est presque comme chez vous. Quand on dit qu’on sort ensemble, on sait que c’est fait. Alors pourquoi les séries coréennes sont si parcimonieuses des scènes de baiser ou autres ? 

D’abord, je voudrais vous expliquer l’évolution des mœurs en la matière que j’ai vécue ici au cours de ces trois dernières décennies. 

1. L’évolution des coutumes liées à l’amour depuis les années 1990 

Cette évolution des mœurs a eu lieu en un laps du temps très court. Quand je suis entrée à la fac, en 1998, il y en avait encore beaucoup, y compris moi-même, qui croyait qu’il faut se marier avec quelqu’un avec qui on a dépassé une certaine ligne. Mais déjà, à l’époque, on murmurait des rumeurs comme quoi tels ou tels camarades auraient « fait la bêtise (사고치다)», expression qui veut dire ce qu’elle veut dire dans cette situation. Elle reste toujours d’usage. 

Puis, j’ai fait un an de stage linguistique à Paris entre 1999 et 2000. De retour à Séoul, j’ai pu constater que l’ambiance n’était déjà plus la même. J’ai eu droit à pas mal de confidences du genre que vous savez. Mais jusqu’alors, ce type d’aveu restait encore top secret. 

Quelques années plus tard, lorsque je suis entrée au ministère en 2006, certains de mes cadets de la fac parlaient ouvertement ce qu’ils avaient fait avec leurs petits amis en me recommandant tel ou tel hôtel de passe (motel) propre et bien équipé pour passer le temps : « Oui, tu sais, ça revient moins cher que d’aller dans des restos, dans des cafés ou dans des bars, ou dans des cinémas. Et puis, on est bien tranquille et on a tout ce qu’il faut. »

Pourquoi les chambres de location pour passer des moments intimes ? C’est qu’en règle générale, les jeunes vivent chez leurs parents jusqu’à leur mariage. Même quand amènent leurs petits copains pour les présenter à leurs parents, ils n’osent pas s’enfermer dans leur chambre. Quand j’étais jeune, on disait que dans ce cas-là, il fallait laisser légèrement ouverte la porte. 

Cependant, on reste plus pudique en public. C’est plus difficile de voir des couples s’embrasser en plein milieu de la foule qu’en Occident.

Voilà mes réponses à ma question initiale. Les séries coréennes sont réticentes à montrer des moments intimes d’un couple dans le détail non pas parce que les amoureux coréens attendent sagement leur mariage pour passer à l’acte mais parce que le public sait jusqu’où ils sont allés, les amoureux, une fois leur amour déclaré par l’un, puis accepté par l’autre. Pas besoin d’entrer dans le détail. Puis, le poids de la tradition veut encore que les amoureux se montrent plus réservés devant les autres que ce soit dans la vie réelle ou dans les séries. Enfin, les scénarios des romances sont souvent bien montés qu’on peut se passer des scènes sensationnels pour attirer les spectateurs.  

2. « Some (썸) », la carte de Tendre à la coréenne

L’autre raison pour laquelle les séries coréennes paraissent particulièrement discrètes, c’est qu’on se plaît à exploiter le sentiment de « some 썸 » . C’est un néologisme qui provient du mot anglais « something », pour désigner une affinité très forte réciproque ou unilatérale. 

A ce stade, les personnes concernées s’abstiennent volontiers de toute sorte de contact physique. Un doigt qui effleure une chevelure suffit pour faire palpiter le cœur à LE briser ! Même pas, c’est déjà aller trop loin. Un mot allusif échappé à son insu, un regard tendre surpris à un moment inattendu en disent bien plus long. 

Le chemin qui mène ces éventuels amoureux à la déclaration est tout aussi long et tortueux que les sentiers tracés dans la carte de Tendre. 

Il y a, en gros, trois cas de figures de some. 

1. On n’est pas sûr de son propre sentiment. L’autre non plus. Du coup, on se perd dans une labyrinthe de situations ambiguës. Par exemple, on est étonné de se sentir jaloux quand on voit l’autre en compagnie d’une autre femme (ou homme), ce qui nous fait réfléchir sérieusement la nature des relations qu’on a maintenues jusque là, et compagnie.

2. On est sûr de son propre sentiment mais pas sûr de celui de l’autre. Dans ce cas précis, on parlera plutôt de « l’amour unilatéral (짝사랑) ». Si ce sentiment est déclaré, c’est seulement l’amour unilatéral. Si ce n’est pas le cas, c’est l’amour unilatéral en « some ».

3. On est sûr de son propre sentiment et croit savoir que l’autre ressent la même chose. On n’ose pas se déclarer ou bien par peur de perdre un ami précieux ou bien en raison de la contrainte sociale. C’est le cas de la nouvelle coréenne publiée en 1932 intitulée « L’invité de la chambre d’hôte et ma mère ». 
Pour le résumé de cette romance : https://ours15.blogspot.com/2023/12/romance-linvite-de-la-chambre-dhotes-et.html

Enfin, dans la vie réelle, bien sûr il y a des Coréens et Coréennes qui donnent la priorité à leur plaisir physique comme partout ailleurs. Mais c’est plutôt une question de goût et de tempérament. Et non pas celle de la nationalité ou de la race. En plus, pourvu qu’on reste consentant, pourquoi pas ? Chacun ses goûts et ses orientations. 

Pour en savoir plus sur les coutumes coréennes liées à l’amour : https://ours15.blogspot.com/2023/09/les-coutumes-coreens-lies-lamour.html

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