Lettres du roi Hyojong (효종,1619-1659) à la princesse Sukmyeong


Une nouvelle fois, j’aimerais bien évoquer la série historique à grand succès « My dearest !!  » avant d’entrer dans le vif du sujet. Dans le drama, le prince héritier Sohyeon (소현세자, 1612-1645) joue un rôle déterminant pour le déroulement de l’intrigue. 

1. D’abord, qui est le roi Hyojong ?

Hyojong est le premier frère cadet, donc, le 2e fils légitime du roi Injo (인조, 1595-1649). Avant son accession au trône, on l’appelait le prince Bongrim.  
 
Suite à la défaite sanglante qu’essuya l’armée coréenne face à l’armée mandchoue qui envahit Joseon (1392-1910) en 1636, le dauphin et le prince Bongrim, ainsi que leurs familles, furent amenés comme otages à Shenyang en Chine. Les deux frères se soutinrent étroitement pour déjouer mille et un pièges qu’ils ne cessèrent de rencontrer sur le terrain de l’ennemi. 
* Pour en savoir plus sur les invasions des Mandchous : https://ours15.blogspot.com/2023/12/les-invasions-mandchoues-au-17e-siecle.html


Or, de retour à Séoul en 1645, Sohyeon décéda brusquement dans des circonstances suspectes. Il aurait succombé soit à une maladie, soit à un empoisonnement. On n’a jamais su la vérité. Quoiqu’il en soit, le fils de Sohyeon, alors âgé de 10 ans, dut être nommé comme nouveau dauphin en vertu du droit d’aînesse. 

Cependant Injo désigna comme successeur le prince Bongrim, alors âgé de 25 ans, en mettant en cause « le trop jeune âge » de son petit-fils. Probablement pour consolider ce nouveau statut de son second fils, Injo fit ensuite monter un complot contre la veuve de son aîné avant de l’exécuter. Puis, il exila le fils d’une « criminelle » sur l’île de Jéju. L’héritier légitime du trône y mourra suite à une épidémie en 1648. 

Par conséquent, lorsque Hyojong accéda au trône en 1649, les aristocrates regardèrent Hyojong de travers comme il s’agissait d’un usurpateur alors qu’il n’y était pour rien. 

Hyojong voulut prouver qu’il méritait la couronne malgré son manque de légitimité, il déploya tous les efforts pour remettre sur rail le pays ravagé de fond en comble par les invasions successives des Japonais et des Mandchous depuis la fin du 16e siècle. Dans cette perspective, il adopta des comportements austères. Il arrêta de boire de l’alcool, se contenta de vivre avec le strict minimum et il s’abstint même de fréquenter des concubines. Ce qui finit par susciter le respect des courtisans récalcitrants. 

Armé d’une volonté de fer, il réforma la fiscalité de manière à alléger les fardeaux du peuple et promut l’utilisation des monnaies en métal pour booster l’économie en berne. En particulier, il réorganisa l’armée afin de se venger un jour de l’humiliation que la Corée avait subi de la part des Mandchous en 1636.  

Grâce à son dévouement et à sa clairvoyance, le jeune souverain put jeter la base pour une nouvelle ère de prospérité et de paix. Hélas, Hyojong mourut d’une mort subite suite à un accident médical tout bête en 1659 à l’âge de 40 ans. 

2. Lettres de la famille de Hyojong

Si Hyojong parvint à réaliser autant d’exploits dans le laps de temps relativement court de dix ans, c’est qu’il put trouver refuge auprès de sa famille. Son épouse, la reine Inseon, avec qui il passa son séjour périlleux chez les Mandchous, était une femme douce et une mère attentionnée. Le roi et la reine s’aimèrent profondément et eurent beaucoup d’enfants : six filles et un fils ! Ce dernier succédera à Hyenogjong pour devenir le roi Hyeonjong, un roi tout aussi grand que son père. 

Après que les princesses quittèrent le palais suite à leur mariage, le couple royal et le dauphin maintinrent des échanges épistolaires assidus avec ces dernières. Parmi ces six princesses, deux, Sukmyeong et Sukhwee, eurent l’idée de regrouper ces lettres chacune dans un recueil. Ces deux livres contiennent, respectivement 66 et 33 lettres. Ils sont tous les deux désignés comme trésor national. La plupart d’entre elles furent écrites en hangeul, même celles écrites par le roi et le dauphin.

Quand on lit ces lettres, on a l’impression qu’on a affaire à une famille ordinaire de Séoul d’aujourd’hui comme la famille Ours ! Tant les auteurs expriment leurs sentiments naturellement, que ce soit la joie, le désespoir, le chagrin, l’inquiétude, etc. 

Par exemple, les lettres de la princesse Sukmyeong, était une source de joie pour Hyojong : 

« Je suis heureux d’avoir reçu ta lettre qui m’apprend que tu vas bien. Je t’ai envoyé deux bougies teintes. Les as-tu reçues ? J’envoie aussi deux lampions dans lesquels tu pourras mettre les bougies. » 

La fille répondit : 

« Je me permets de m’enquérir de vos nouvelles et je voudrais savoir si vous aller bien. Comme cela fait plusieurs jours que je n’ai pu aller vous voir, je ne saurais décrire mon immense déception. »

Ici, Hyojong manifeste sa déception de ne pas avoir pu voir Sukmyeong. D’après cette lettre, elle aurait été sa fille préférée : 

« Ma très chère, pourquoi n’es-tu pas venue à notre réunion d’hier ? Tu sais, toutes tes sœurs étaient là et piquaient beaucoup de nos bijoux. Ne te laisse pas faire par tes sœurs ! Il faut savoir réclamer haut et fort la part qui te revient sinon, elles prendront toutes les bonnes choses.» 

«Sais-tu quel grand crime tu as commis ? C’est de ne pas être venue me voir. Puisque que c’était à cause de ton mari, défoule-toi et querelle-le sans te retenir ! »

Il lui arrivait tout de même de faire des remontrances à sa fille adorée : 

« En te mariant, tu as juré que tu t’occuperais avec dévouement tes beaux-parents. Mais pourquoi tu ne fais que t’amuser avec ton chaton ? Enfin, te portes-tu bien ? Si tu as attrapé un rhume, n’oublie pas de prendre des médicaments. » 


Or, cette princesse bien aimée dût faire face à un grand chagrin. Un jour, l’un de ses enfants décéda en bas âge. Tout aussi inconsolable que sa fille, le roi lui écrivit : 

« Qui aurait pur savoir? que ce pauvre petit s’en irait si vite ! C’est sans doute parce que nos grandes personnes n’ont pas de chance. Ca me fait tellement mal que je ne m’attacherai plus à aucun autre enfant. Mais, malgré ce grand malheur,  pense à te nourrir correctement sinon tu tomberas malade et tu me donneras un autre souci. Lis cette lettre avec ton mari. Je me sens encore plus affligé quand je pense à ton beau-père, le vieux Premier ministre. »

Maintenant place aux lettres de la reine. On dirait Mamie ours qui ne cherche qu’à gâter les oursons. : 

« Chère Sukmyeong, j’ai reçu 17 clémentines bien mures. J’en ai mis huit pour Sukha et huit pour toi. Et comme il m’en restait encore une, je l’ai mis dans le colis qui t’est destiné. Je pense souvent à tes enfants. Ils doivent être encore plus mignons maintenant ! »
 *La clémentine était à l’époque un fruit très rare et précieux. 

« Je suis heureuse de savoir que mes petits-enfants se portent bien. Grâce à ta lettre qui les a si bien décrits, j’ai l’impression de les voir en vrai. Comme il ne reste que peu de jours avant de nous retrouver, j’attends ce moment avec impatience. Comme un enfant, je compte et recomptes le nombre des nuits qui nous séparent. »

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