Lettres du roi Jeongjo (1752-1800) écrites en hangeul

La série historique, The Red Sleeve.


Le roi Jeongjo (정조, 1752-1800) est le héros de la romance historique, The Red Sleeve. Comme dans la série, il n’aima qu’une seule femme, Seong Deok-im (의빈 성씨, 1753-1786), qui était une simple servante de la Cour. A sa mort, il écrivit une très longue épitaphe pour elle (어제의빈묘지명). 

Là dedans, il énuméra tellement longuement les qualités de sa bien-aimée qu’il s’étonna, à la fin, d’avoir été trop long alors qu’il avait voulu écrire un texte court. 

Parmi ces vertus, l’intelligence, la beauté de l’âme, la diligence, l’habileté pour les tâches ménagères, etc, deux m’interpelèrent particulièrement.

D’abord, c’est sa fidélité envers la reine. Même si elle jouissait d’une relation plus intime avec le roi que son épouse, elle se garda bien de s’en vanter. Au contraire, elle la servit avec un tel dévouement et respect que cette dernière la traita comme une vraie sœur. 

Et la seconde qualité, qui est directement liée à notre sujet du jour, c’est son côté économe. Même après avoir reçu le brevet de « bin », qui est presque l’équivalent de celui de « duchesse », elle maintint un train de vie extrêmement sobre, que ce soit pour son pavillon, ses repas ou ses vêtements. 
* Pour l’histoire vraie de l’amour entre ces deux amoureux : https://ours15.blogspot.com/2023/08/the-red-sleeve-verite-historique.html

En fait, le roi lui-même évitait le luxe. Il aurait appris cette qualité notamment de la part de son prédécesseur et grand-père Yeongjo (영조, 1694-1776). Toujours soucieux du bien-être du peuple, ce dernier s’efforça toujours de se montrer exemplaire en la matière. Il est encore célèbre aujourd’hui pour ses habitudes alimentaires à la fois très saines et frugales. Pour ses habits, il préféra le coton à la soie. Il alla jusqu’à interdire la fabrication et la consommation de l’alcool pendant plusieurs décennies lorsque le pays était frappé par la grande disette. 

Donc voilà, tel papy, tel petit-fils, ce qui montre l’importance de l’éducation en famille. Dans cet environnement, déjà à l’âge de 4 ans, le futur roi Jeongjo pensa à léguer ses « beoseons » (버선, chaussettes traditionnelles coréennes) à son cousin préféré, un certain Soodae(수대), au lieu de les jeter. 


Soodae est le nom d’enfance de l’un des fils du grand-frère de sa mère, Hong Nak-in. Et la destinataire de cette lettre est l’épouse de ce dernier, la dame Min. L’enfant s’appellera plus tard Hong Soo-young. Voici la traduction en français et en coréen moderne de ce petit billet (photo 2) dont l’écriture me fait penser à celle de mes oursons : 

« Je voudrais d’abord m’enquérir de vos nouvelles. Et je souhaiterais savoir si vous vous portez bien. Comme ces beosons (chaussettes traditionnelles coréennes) sont trop petites pour moi, je vous prie de bien vouloir les donner à Soodae. Votre cousin » 

« 문안 아뢰고 기후 무사하신지 문안을 알고자 하오며, 이 족건(버선)은 내게 작사오니 수대에게 신기옵소서. 질(조카) »


Jeongjo gardera tout au long de sa vie une affection particulière pour ce cousin de sa génération. Le roi lui accorda des petits postes à la Cour et le pardonna quand il commit des petites fautes. Probablement parce que c’était l’un des rares enfants de sa génération qu’il pouvait fréquenter dès son plus jeune âge. A chaque fois que Soodae accompagnait sa mère ou son père au palais, il serait allé s’amuser avec Son Altesse. Mais ce petit-frère préféré décéda deux ans avant son royal cousin suite à une maladie, ce qui affligea profondément le souverain. 

Jeongjo envoya régulièrement des lettres à sa tente, la dame Min, notamment à la fin de l’année pour lui envoyer des cadeaux du Nouvel an. Il lui demanda parfois de venir au palais plus souvent pour tenir compagnie de sa mère. 

Et toutes ces lettres étaient écrites en hangeul. Ce qui montre, parmi mille autres documents, que le hangeul était utilisé couramment même par les hommes aristocrates notamment quand ils écrivaient des lettres à leurs proches féminines ou à leurs domestiques ou métayers. 

Après la mort de Jeongjo, sa mère, la dame Hong, demanda à son petit-frère, Hong Nak-yoon, de réunir les lettres que le défunt roi avait envoyées aux membres de leur famille. Les 14 lettres en hangeul envoyées à la tante furent réunies à part dans une somptueuse couverture faite de soie rouge brodée de fils d’or. 

Cette archive est un document précieux permettant d’apercevoir l’évolution de l’écriture du roi Jeongjo et du langage de la Cour au fil des ans. Elle est conservée aujourd’hui au Musée national du hangeul. 
* Pour en savoir plus sur ce musée : https://ours15.blogspot.com/2024/02/le-musee-national-du-hangeul.html

* Voici la traduction en français et en coréen moderne de la lettre de la première photo que Jeongjo aurait écrit à environ six à sept ans.

« Chère tante,
Je voudrais savoir si vous vous portez bien alors qu’il fait plus froid avec la tombée de givres. Vous me manquiez beaucoup car cela longtemps que je ne vous ai pas vue. Ainsi, votre lettre d’hier m’a pleinement réjouis. Je suis également heureux d’apprendre que mon grand-père (maternel) se porte lui aussi bien. Prince héritier »

“숙모님 앞, 
서릿바람에 기후 평안하신지 문안 알고자 합니다. 뵌 지 오래되어 섭섭하고 그리웠는데 어제 편지 보니 든든하고 반갑습니다. 할아버지께서도 평안하시다니 기쁘옵니다 . 원손 ”



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