Cinq points sur les noms des Coréens



« Maman ! J’ai vu une fille qui a un nom très long. 11 syllabes ! Elle s’appelle 다버트 엘리자베스 클로이 (probablement la transcription de Davert Elisabeth Chloe). » m’a appris un jour mon aîné lorsqu’il venait de rejoindre l’école primaire il y a deux ans.

Ce n’est pas étonnant que la longueur de ce nom occidental ait surpris un enfant coréen de sept ans. Parce qu’ici, les noms sont, pour la plupart des cas, constitués de trois syllabes. Voici quelques explications sur leur composition. 

1. Nom de famille(une syllabe) + prénom(deux syllabes) 

Parmi les trois syllabes, la première syllabe présente le nom de famille. Pour mon cas, c’est Shim (심). Puis, les deux syllabes suivantes, le prénom, So-jeong(소정), pour moi. Donc, lorsqu’on écrit mon nom à la coréenne, cela fait Shim So-jeong (심소정). Il arrive que nous inversions cet ordre pour des formulaires à remplir à l’étranger.

Parfois, on met une seule syllabe pour un prénom. Comme Hyeon Bin (현빈). On peut également trouver des prénoms composés de trois syllabes. Dans ce cas, c’est souvent la transcription des prénoms qui proviennent de la Bible, comme Baedeuro (베드로, Pierre) ou Eseudeo (에스더, Esther). 

C’est plus rare, mais il se trouve aussi des noms de famille composés de deux syllabes comme Seonwoo (선우). 

2. Comment les Coréens choisissent les prénoms de leurs enfants ?

La plupart des parents ou des grand-parents choisissent deux caractères chinois qui ont des significations fastes pour leurs nouveaux-nés. C’est ma grand-mère maternelle qui a choisi mon prénom qui signifie « la gaieté dans la Cour ».  C’est sans doute pour cela que j’ai travaillé dans un ministère. Il y a aussi des Coréens qui croient que les prénoms décident du destin de leurs enfants. Certains d’entre eux consultent les devins pour choisir des prénoms fastes. 

Certains parents donnent des prénoms qui ne proviennent pas des caractères chinois comme « Namu (나무, arbre) » ou « Woori (우리, nous) ». Enfin, comme je l’ai déjà dit plus haut, certains chrétiens choisissent des prénoms provenant de la Bible. « Noha (노아) », « Yohan (요한, Jean) », « Yoseb (요셉, Joseph) » sont des prénoms cotés.  

Par contre, il est extrêmement rare que les Coréens donnent le prénom de leurs proches à leurs enfants. 



3. Parfois, les frères et les sœurs ont une syllabe commune dans leurs prénoms 

Lorsqu’il y a plusieurs enfants, il arrive que les parents choisissent une syllabe commune pour leur prénom, soit le premier, soit le deuxième. Pour les prénoms des garçons, la syllabe commune à choisir est souvent déjà décidée par avance par le clan. On appelle cette pratique « nom de génération ». Chaque clan dispose d’une séquence des noms, ce qui fait que rien qu’avec le prénom d’un homme, on peut deviner SA génération dans l’arbre généalogique du clan . 

Par exemple, la syllabe « seob » doit venir à la fin du prénom pour les hommes de la génération de mon père pour la famille Shim du clan de Cheongsong. Ainsi, mon père s’appelle Shim Won-seob et mes oncles, Shim Min-seob, Shim In-seob. Pour la génération de mon frère, c’est la syllabe « jae » qui doit arriver à la première place du prénom. Il s’appelle Shim Jae-hoon et l’un de nos cousins, Shim Jae-woo.

4. Les noms de famille coréens

Le nombre des noms de famille coréens peut paraître incroyablement peu élevé. En effet, pour plus de 50 millions d’habitants, il y en a seulement environ 300. En plus, Kim(김) représente presque 20 % de la population. Viennent ensuite *Lee/Yi (이,李 ) et Park(박). Et plus de 45 % des Coréens portent ces trois patronymes !  Ce n’est pas tout. Moins de 10 % des noms de famille représente plus de trois tiers de la population. 
* Il y a plusieurs formes de romanisation pour ce patronyme (Yi, Lee, Rhee, Ri, etc) en raison d’une règle phonétique. Pour en savoir plus :https://ours15.blogspot.com/2023/11/pourquoi-lee-rhee-ri-yi-pour-transcrire.html


Comment expliquer ce phénomène ? En fait, l’usage des noms de familles provint de la Chine à l’antiquité avec les caractères chinois. Seuls les membres de la famille royale ou des aristocrates en avaient à l’époque. Kim(김), Park(박), Seok(석) étaient les patronymes des rois de Shilla(신라, 57 av J.-C. - 935)et Yi(Lee, 이/리), Choi(최), Jeong(정), Son(손), Bae(배), Seol(설) étaient ceux des chefs des six tribus puissantes de Shilla. 

A partir de l’époque de Goryeo(918-1392), l’usage de noms de famille se mit à se répandre chez les nouveaux aristocrates. Dans ce processus, plusieurs d’entre eux prirent des patronymes des familles illustres chinois. 

A partir de l’époque de Joseon(1392-1910), de plus en plus de roturiers libres se mirent à prendre un nom de famille, de préférence, ceux des rois et des aristocrates de Shilla alors que ceux appartenant à la classe inférieure n’en avait toujours pas. Bon nombre d’entre eux achetèrent des registres généalogiques des familles illustres. Et lors de l’abolition de la classe inférieure à la fin du 19e siècle, beaucoup prirent les patronymes de leurs anciens maîtres. 

5. Le patronyme de la mère

Grâce à la révision du Code civil en 2008, il est aujourd’hui possible de donner le patronyme de la mère aux enfants. Mais ça reste encore compliqué. D’abord, il faut que le couple se soit mis d’accord sur ce point dès la déclaration de leur mariage. Puis, si l’enfant veut remplacer son nom de famille par celui de la mère, il faut déposer la demande au tribunal de la famille qui examinera minutieusement l’intérêt de ce changement. En raison de la complexité de cette démarche, seul 2 ou 3 enfants sur 1000 portent le nom de famille de leur mère. Et les militants pour le droit des femmes luttent pour la simplification de cette procédure qu’ils jugent anticonstitutionnelle

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