Le couple du dauphin Sohyeon (소현세자, 1612-1645)

La série, "My Dearest"

Cette histoire a inspiré directement la série « My Dearest ». Vous pourrez retrouver quelques traits de Lee Jang-hyeon chez le prince héritier Soyhyeon et son épouse Minhoebin (민회빈, 1611-1646). Vrais héros de l’histoire de Corée. Voici leur histoire mais, je vous préviens, sortez d’abord vos mouchoirs ! L’autre série à grand succès, « The Slave Hunters » a elle aussi pour contexte historique cette période. 

1. Enfance et adolescence 

Le héros du jour naquit en 1612 sous le règne du roi déchu Gwanghae(광해군, r.1608-1623). Il était encore plus loin du trône que son père, le prince Neungyang (le futur roi Injo, 1595-1649). Parce que celui-ci n’était que le fils de nombreux enfants naturels du roi Seonjo (선조, 1552-1608). Ainsi, l’enfant Sohyeon ne se serait jamais douté qu’un jour, son père deviendrait le roi et lui, le dauphin. 

En 1623, son père renversa Gwanghae avec des courtisans de l’opposition et devint le maître du royaume. Par conséquent, le prince Sohyeon fut nommé comme héritier de la couronne en 1625 à l’âge de 13 ans. 

Puis, la formation spartiate réservée aux futurs rois commença. D’après les chroniqueurs royaux, Son Altesse était, certes, intelligente, mais pas très assidue . A mon avis, c’est parce qu’il avais passé une enfance plutôt libre par rapport aux princes considérés comme successeurs du trône dès leur naissance. Il n’empêche qu’il fit pourtant des efforts pour satisfaire aux exigences de ses maîtres. 

2. La première invasion des Jurchens (Mandchous) et le mariage

La preuve, c’est que le prince dirigea très correctement une partie de la Cour lorsque les Mandchous attaquèrent Joseon (1392-1910) pour la première fois au début de 1627. Il n’avait que 15 ans. Pendant ce temps-là, le roi Injo se réfugia SUR l’île de Ganghwa. Après la signature du traité de paix, qui établissait des relations des frères entre Joseon et les Mandchous, en mars de la même année, il se maria avec la fille d’un haut dignitaire de la Cour. 

La nouvelle mariée fut comme un cadeau du ciel pour le pauvre prince qui devait toujours faire face à une énorme quantité de travail. Après une longue journée harassante, il trouvait refuge dans les bras de sa belle. Depuis son mariage, il avait souvent l’air fatigué le matin à tel point que l’un de ses professeurs lui reprocha : « Je vous sens plus distrait qu’autrefois. Est-ce à cause du froid ou bien parce que vous ne vous occupez pas correctement de votre santé? » Ce « ne pas s’occuper de la santé correctement» est une formule euphémique utilisée par les courtisans pour reprocher aux rois de se livrer à l’excès dans ses relations intimes avec leurs femmes. 

Comme le dit un proverbe coréen, « Même si les chiens aboient, le défilé passe. » et malgré les regards obliques des austères dignitaires, l’amour du jeune couple porta le premier fruit un an après leur mariage. La dauphine accoucha d’une fille ! Trois ans plus tard, encore une fille vint au monde. Malheureusement, les deux princesses décédèrent en bas âge. Et enfin, en 1636, un fils naquit. 

D’ordinaire, cet évènement aurait été célébré en grande pompe. Mais l’ambiance était peu propice pour les fêtes. La reine venait de décéder et les mouvements des Mandchous devenaient de plus en plus préoccupants. Malgré cette atmosphère morose, le couple du dauphin resta solidement uni et madame tomba encore enceinte. 

3. La 2e invasion des mandchous 

Le 28 décembre 1636, les Mandchous finirent par franchir la frontière sous l’égide de leur empereur Huang Taïji (1592-1643). Leurs troupes s’emparèrent de la capitale le 10 janvier 1637. La veille, tous les membres de la famille royale partirent pour se réfugier dans l’île de Ganghwa. Le roi et le dauphin n’eurent pas le temps de les rejoindre et durent se replier dans la forteresse Namhan, située plus près de la capitale. 

La dauphine, enceinte, prit son courage à deux mains et dirigea le groupe royal, suivi de nombreuses familles nobles et roturières. Le problème, c’est que le gouverneur de l’île, Kim Gyeong-jing, tarda à envoyer des bateaux pour les augustes transfuges car il ne songea lui-même qu’à s’enfuir. Indignée, Son Altesse lui cria à tue-tête : « Gyeong-jing, Gyeong-jing, comment oses-tu agir si lâchement ! » Gyeong-jing finit par envoyer des navires. Cependant, l’armée ennemie débarqua une dizaine de jours plus tard et tous les réfugiés furent capturés.

Le 30 janvier, le roi capitula et la famille du dauphin ainsi que celle du deuxième fils du roi, le prince Bongrim (le futur roi Hyojong, 효종,1916-1659), furent emmenés comme otage à Shenyang, région située dans le nord-est de la Chine actuelle. Ce long voyage qui dura pendant deux mois s’effectua dans des conditions extrêmes.

4. Séjour à Shenyang comme otage

A côté du cortège de la famille royale marchèrent péniblement des près de 500 000 coréens pris en otage par les Mandchous, y compris des dames nobles comme l’héroïne de My Dearest.  Les couples des princes durent également assister à de nombreux pillages que perpétrèrent les soldats ennemis dans des villages qui se trouvaient sur le chemin. Ils durent également dormir souvent en plein air. Chemin faisant, le prince Bongrim perdit sa fille âgée de trois ans. Mais la dauphine tint bien bon la barre et donna naissance à une fille peu de temps après son arrivée à Shenyang. 

L’empereur mandchous était toujours en guerre contre la dynastie chinoise Ming(明,1368–1644). Il déclara ainsi au couple du dauphin de ne pas avoir les moyens de financer leur séjour. Au lieu de quoi, il lui proposa d’exploiter un vaste terrain sauvage. La plupart des courtisans qui accompagnèrent le couple s’y opposèrent mais la dauphine persuada son époux de l’accepter. Par ailleurs, elle eut l’excellente idée d’acheter des Coréens qui étaient vendus comme esclaves. Elle leur fera cultiver leurs champs. 

Ce fut un immense succès. Le terrain vierge s’avéra fertile et grâce à la technique de l’agriculture avancée de Joseon, le couple du dauphin put avoir une excellente récolte dès la première année. En plus, le riz de Joseon cultivé sur ces champs cartonna ! La princesse ne s’en contenta pas et elle lança différents commerces, même des clandestins, ce qui lui permit de ramasser davantage d’argent. Une vrai PDG avant l’heure ! 

Son mari employa cette richesse pour sauver davantage d’expatriés coréens et graisser la patte des dignitaires mandchous. Ce qui lui servit grandement à chaque fois que les deux pays traversèrent de graves crises diplomatiques. 

En surmontant ensemble des obstacles de taille, madame et monsieur devinrent inséparables et eurent cinq enfants pendant leur séjour en Chine qui dura huit ans. Le couple resta solidaire aussi avec la famille du prince Bongrim. Guerrier talentueux doté d’une grande intelligence, ce second fils d’Injo ne chercha qu’à protéger son grand-frère contre d’éventuels pièges des Mandchous.  

En parallèle, grâce à ce séjour, le prince put découvrir la civilisation occidentale. En particulier, il fit la rencontre du missionnaire jésuite allemand Johann Adam Schall von Bell(1591-1666) avec qui il avait des échanges fréquents. Il apprit de lui, entre autres, la théorie héliocentrique et, bien sûr, le christianisme. Ainsi, le dauphin deviendra le premier Coréen à apporter des livres sur le catholicisme à Joseon. D’après le témoignage de ce père jésuite, le prince se serait montré très critique vis-à-vis du néo-confucianisme pour ses côtés archaïques et désira à s’ouvrir davantage au monde extérieur. 

5. Mort suspecte du dauphin Sohyeon 

Or, le roi Injo ne vit pas d’un bon œil une telle évolution de son aîné. Devenu maladivement susceptible depuis la défaite humiliante à la forteresse Namhan, il craignit que son fils utilisa ses liens étroits avec la Cour mandchoue pour le chasser. Huang Taïji attisa ce soupçon en le menaçant de temps à autre de le remplacer par le dauphin. Par ailleurs, sa favorite, Soyong de la famille Jo(소용조씨, 1600 ?-1652), ne manquait aucune occasion pour semer la zizanie entre le père et le couple du prince héritier. Cette vilaine fille issue d’une femme du bas de l’échelle est considérée comme l’une des concubines les plus vicieuses de l’histoire de Joseon. En effet, les historiens ne mâchent pas leurs mots pour la condamner. 

Dans ce contexte, la dynastie chinoise Ming, la grande rivale de la dynastie mandchoue Qing(淸 ,1616-1912), s’effondra suite à la rébellion de Li Zicheng en 1644. Rassurée, la Cour mandchoue autorisa aux princes Sohyeon et Bongrim de regagner leur patrie. Ils revinrent avec de nombreux otages coréens qui considérèrent le couple du dauphin comme leur sauveur. 

Pourtant, le roi n’organisa même pas de fête pour souhaiter LA bienvenue à son successeur. Il ne lui adressa aucun compliment non plus pour le rôle diplomatique que ce denier accomplit habilement tout au long de son séjour à Shenyang. De son côté, Soyong de la famille Jo SE brouilla avec la dauphine. Dotée d’un tempérament droit, la princesse ne put supporter aucune effronterie et l’ambition démesurée de cette créature.  

Sur fond de ces tensions, le dauphin Sohyeon décéda brusquement quelques mois après son retour. Empoisonné ou suite à une maladie ? La cause de sa mort reste encore mystérieuse. 

6. Exécution de la dauphine et l’exil de ses trois fils 

Mais le comportement du roi Injo suite à la mort de son aîné a de quoi faire opter pour la première hypothèse. Au lieu de nommer le fils aîné de Sohyeon, alors âgé de 11 ans, comme successeur, le souverain désigna le prince Bongrim, son propre fils, comme nouveau dauphin. Par ailleurs, il profita des relations conflictuelles entre sa maîtresse et l’’ex-dauphine pour liquider cette dernière et avec elle, les enfants de Sonhyeon, qui étaient également ses petits-enfants…

La perfide concubine dénonça la dauphine de l’avoir maudite. Plusieurs servantes de la princesse furent torturées mais la plupart d’entre elles préférèrent mourir plutôt que de trahir leur patronne. Hors d’elle-même devant cette injustice, la pauvre dauphine se précipita dans le papillon du monarque avant de pousser ce cri désespéré : « Mais pourquoi, Votre Majesté, me tourmentez-vous autant ! » Elle fut bientôt séquestrée dans un petit pavillon. Elle y fit fausse couche. Oui, elle était encore enceinte…  Elle eut un total de huit enfant avec le prince Sohyeon. 

Quelque mois plus tard, Injo trouva un plat empoisonné sur sa table.  Au lieu d’ordonner des enquêtes aux autorités compétentes et d’interroger les cuisiniers du roi, il fit arrêter par ses eunuques dix servantes de la princesse. Sept d’entre elles moururent à cause de la torture. Mais le souverain réussit à obtenir un faux aveu prétendant que la dauphine tenta de tuer le roi. 

Presque tous les courtisans demandèrent justice en jugeant impossible pour la dauphine, isolée et surveillée, de tenter quoi que ce soi contre le souverain. Il ne sourcilla même pas et fit exécuter sa belle-fille en 1646. Il envoya ensuite les trois fils du malheureux couple, respectivement âgé de 11, de 7 et de 3 ans à l’île de Jéju. L’aîné et le second fils succombèrent à une épidémie en 1648, soit deux ans après la mort de leur mère. 

Quatre ans après l’exécution de la dauphine, le roi Injo mourut à son tour en 1649.

7. Epilogue

Le prince Bongrim lui succéda et devint le roi Hyojong. Il n’osa rétablir sa belle-sœur malgré la demande incessante de ses courtisans. Car le contraire reviendrait à renier sa propre légitimité alors qu’il avait besoin d’un pouvoir solide pour sortir le pays de la ruine des invasions mandchoues.

Pourtant, l’une des premières choses qu’il fit, c’est de se débarrasser de la détestable maîtresse de son père.  Elle fut condamnée à mort, elle aussi, pour avoir maudit la reine douairière Jangryeol, la deuxième épouse du roi Injo et le nouveau roi. 

En parallèle, pris pitié du triste sort de son jeune neveu, Hyojong permit au dernier fils de quitter son lieu d’exil avant de le rétablir en 1699. C’est cet enfant, Yi Seok-gyun(이석견), le prince Gyeongan(경안군, 1644-1665), qui apparaît dans la série Slave Hunter où le divin Jang Hyuk joue le rôle principal ! Euh.. donc, grâce à ce prince, qui donna naissance à deux garçons, les descendants du couple du dauphin Sohyeon vivent encore. Ironie de l’histoire ! Car la descendance de la branche cadette, donc de Hyojong, sera définitivement rompue à la mort du roi Cheoljong(철종, 1831-1864) en 1864. Le roi Gojong (고종, 1852-1919) qui lui succéda était un lointain descendant du troisième fils légitime du roi Injo, le prince Inpyeong (인평대군, 1623-1658). 

Quant à la brave dauphine, elle fut rétablie par le roi Sukjong (숙종,1661-1720) , le petit-fils de son beau-frère, Hyojong, et reçut le titre de Minhoebin en 1718. On peut voir son tombeau, baptisé «Yeonghoewon »,  et situé aujourd’hui dans la province de Gyeonggi.

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