그리다(geurida)
- 1. Penser à quelqu’un ou à quelque chose, souvent difficilement joignable, avec amour
- 2. Peindre, dessiner, décrire, raconter…
Le roi Jeongjo (정조, 1752-1800) est, de loin, le roi le plus romantique de l’histoire de Joseon. Quand l’unique amour de sa vie, Seong Deok-im (Euibin) mourut à l’âge de 34 ans, il écrivit une longue épitaphe racontant la vie de Seong ainsi que leur amour. Le mari affligé ne l’oubliera jamais jusqu’à ce qu’il la rejoignît dans l’éternité en 1800 : il continua de rédiger lui-même des prières à chaque fois que l’anniversaire du décès de sa bien-aimée revenait : « Je ne me remettrai jamais de ta perte. Je crois qu’il en est de même pour toi en me voyant, là-haut, si inconsolable... s
Le roi Gongmin (공민왕, 1330-1374) de Goryeo (고려, 918-1392), qui réussit à mettre fin à l’interventionnisme des Mongoles en 1356, s’effondra lorsque son épouse, la princesse mongole Noguk (노국대장공주, ?-1365), rendit son dernier souffle en accouchant d’un fils tant attendu en 1365. A partir de là, il peignit et repeignit le portrait de sa femme tant aimée dès qu’il avait le temps…
Et vous, que faites-vous lorsque quelqu’un vous manque, alors qu’il est difficile de le rejoindre ? Quand on y pense, nous faisons comme ces deux amoureux à qui la vie arracha leurs êtres les plus chers. Vous lui écrirez des lettres ou, de nos jours, des messages instantanés. S’il est moins joignable, vous rédigerez sans doute des textes en sa mémoire comme le fit Jeongjo. Ou bien vous essaierez de reconstituer son image, ses gestes, sa voix, ses regards, la couleur de ses yeux encore et encore dans votre cœur ou sur le papier à l’instar de Gongmin.
Selon le célèbre écrivain et ancien ministre de la culture, Lee Eo-ryeong (1934-2022), les trois mots coréens, « 글(geul/écriture) », « 그림(geurim/peinture, dessin, tableau) » et « 그리움(geurium)*», auraient pour étymologie « 긁다(geuldda/gratter, graver).
*Geurium désigne le sentiment douloureux que nous cause l’absence de nos êtres aimés selon le dictionnaire de coréen. C’est l’un des mots les plus difficiles à traduire en français et pourtant qui est très présent dans toutes les œuvres littéraires et audiovisuelles coréennes. Les dictionnaires de coréen-français proposent : « regret », « nostalgie », « affection », « attachement ». C’est, en effet, le mélange de tous ses sentiments.
Par ailleurs, en coréen, les verbes qui désignent l’acte de peindre et celui de regretter (‘miss’ en anglais) sont tous les deux « 그리다 (geurida) ».
Je trouve pertinente l’idée d’identifier l’acte de penser à nos êtres chers éloignés malgré nous à celui de peindre. J’irai jusqu’à dire que c’est une forme de résistance face à la réalité qui nous impose une séparation plus ou moins longue et parfois, défintive. Ce sevrage engendre forcément un état de carence, ce sentiment de vide si bien exprimé par le verbe « manquer » en français ou celui de « miss » en anglais.
Mais avec « 그리다 (geurida) » et « 그리워하다 (geuriwohada) », les équivalents coréens de ces deux verbes, on passe à une autre dimension. C’est comme si nous abolissions la distance physique en peignant (gravant) tous les traits de nos êtres aimés sans cesse dans notre cœur.
Nous reconstituons également des instants heureux qu’on a passés ensemble avec eux à la manière de ces peintres ou de ces chroniqueurs qui inscrivent des moments de félicité de l’histoire dans l’éternité,
Et je suis persuadée qu’il en est de même pour les objets de notre affection. Ces derniers doivent sentir que notre âme reste avec eux au moment où nous peignons et repeignons leur image dans notre tête. Ainsi, pour moi, «그리다(geurida) » et « 그리워하다/geuriwohada » représentent avant tout des actes actifs, communicatifs à ceux qui nous manquent. Et sa forme nominale « 그리움(geurium) » me fait toujours penser à un oiseau chargé de transmettre nos tendres pensées à nos êtres chers où qu’ils se trouvent.
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