Si vous avez vu The Red Sleeve, plus d’un d’entre vous aura été intrigué par l’épouse du roi Yeongjo, le grand-père du héros de la série, le roi Jeongjo(Yi San). D’abord par son jeune âge. 51 ans séparent le roi et la reine ! Elle n’est ainsi plus âgée que son beau-petit-fils Jeongjo que de seulement sept ans et plus jeune de 10 ans que le couple du prince héritier Sado.
Ensuite par son sang froid et la justesse de son jugement. Rationnelle et neutre, elle ne se laisse pas emporter par les complots et les conflits qui ne cessent de secouer la Cour. Elle chérit l’héroïne du drama, Seong Deok-im pour son intelligence et sa loyauté.
Et voici son portrait.
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La reine Jeongsun naquit dans l’une des plus illustres familles, Kim, du clan Gyeongju. Cette famille a pour ancêtres des rois du royaume de Shilla (57 av.J.C-936). Après le décès de sa première épouse, Yeongjo, alors âgé de 66 ans, organisa le concours pour sélectionner sa seconde reine.
Depuis le roi Taejong (Yi Bang-won), tous les époux et épouses des rois, des princes et des princesses étaient choisis lors d’un concours même s’il arrivait parfois que les élus soient décidés par avance pour des raisons politiques.
Selon la légende, Yeongjo mena lui-même des entretiens avec les candidates. D’abord, le monarque leur demanda de s’assoir sur des coussins sur lesquels étaient écrits les noms de leurs pères. La fille Kim, âgée de 15 ans, seule refusa en pleurant : « Je n’oserai jamais m’assoir sur l’auguste nom de mon père ! » Alors, un point !
Ensuite, le souverain posa quatre trois questions suivantes.
- Quelle est la fleur la plus belle au monde ?
- Qu’est-ce qui est le plus profond au monde ?
- Quel est le plat le plus délicieux au monde ?
Alors que les autres se fourvoyaient en nommant leurs fleurs ou leurs plats préférés, notre héroïne du jour répondit :
- La fleur du cotonnier car elle nous offre du coton qui réchauffe le peuple en hiver
- Le cœur de l’homme. Impossible de mesurer son abyme et ses méandres
- Le sel, car c’est lui qui donne du goût à tous les plats.
Emerveillé par tant de sagesse et de clairvoyance, Yeongjo l’élut comme sa seconde reine. Entrée à la Cour, elle ne se laissa pas impressionner par la foule de servantes, de concubines, de princes et de princesses. Lorsqu’une servante lui demanda de se retourner pour mesurer la taille de son dos, elle la gronda, furieuse : « C’est à toi de faire un demi-tour. Alors à qui oses-tu demander de bouger, espèce d’effrontée ? »
Le roi Yeongjo aima tendrement sa très jeune épouse avec qui il passa 17 dernières années de sa vie. Mais la reine n’aura aucun enfant et aucune archive ne mentionne une grossesse ni même une fausse couche.
Le premier grand évènement auquel elle dût faire face à la Cour, ce fut l’exécution du dauphin Sado par Yeongjo qui eut lieu en 1762. Certaines œuvres littéraires et audiovisuelles l’accusent d’avoir calomnié le prince qui souffrait de schizophrénie. Mais aucun document ne fait part de son implication dans cette affaire. C’est la mère biologique de Sado, Yeongbin, qui dénonça son fils pour l’assassinat d’une centaine de personne. Ce qui la goutte qui fit déborder la vase alors que les relations entre père et fils s’étaient déjà irrévocablement dégradées. Elle aurait évité de se mêler d’une affaire si sensible alors que cela ne faisait que trois ans qu’elle avait rejoint la Cour.
Pendant que Jeongjo était dauphin, elle s’entendait plutôt bien avec lui et essaya de le défendre comme on le voit dans The Red Sleeve. Et le frère de cette dernière, Kim Gui-ju, affronta violemment des courtisans qui tentèrent d’empêcher l’accession au trône du jeune prince. Parmi eux figuraient notamment le fils adoptif de la princesse Hawan (fille naturelle de Yeongjo) et un grand-oncle de Jeongjo. D’après les annales de Joseon, on constate que le prince héritier consultait de temps à autre sa belle-grand-mère et lui faisait des confidences.
Or leurs relations empirèrent lorsque Jeongjo, devenu roi, exila le frère de la reine douairière car il ne vint pas s’enquérir de la santé de la mère du roi lorsqu’elle était malade. Jeongjo aurait voulu, par ce décret, contrebalancer le pouvoir du parti majeur auquel appartenait la famille de la reine. De l’autre côté, le roi ménagea des factions minoritaires qui se montrèrent plus conciliantes avec sa politique. Dans ce contexte, le frère de la reine mourra dans son lieu d’exil en 1786.
Jeongjo s’acquitta, néanmoins, irréprochablement de son devoir filial vis-à-vis d’elle, ce que la veuve de Yeongjo ne manquera pas d’apprécier dans ses lettres.
Cependant, suite au décès du roi éclairé en 1800, Jeongsun assuma la régence pendant quatre ans car le dauphin n’avait que 10 ans. Hélas, elle n’avait pas pardonné à ceux qui, selon elle, contribuèrent à la mort de son frère, c’est-à-dire les partisans des petits partis de l’opposition. La régente trouva un formidable prétexte pour exécuter sa vengeance. C’est que beaucoup de ces derniers étaient catholiques.
Le catholicisme fut introduit en Corée au 17e siècle via la Chine. Au début, il fut considéré comme une discipline académique qui attisa la curiosité des jeunes lettrés. Au 18e siècle, quelques uns d’entre eux se convertirent au christianisme. Ils allèrent à Pékin pour demander aux missionnaires sur place d’envoyer un prêtre en Corée. Ainsi, en 1800, on comptait déjà 10 000 fidèles, notamment chez les aristocrates des partis d’opposition. Dès janvier 1801, le parti au pouvoir passa à l’acte. Résultat : plus de 300 catholiques coréens furent martyrisés.
Cependant, lorsqu’en 1804, Jeongsun leva la régence, les partisans de l’opposition qui survécurent à la persécution, lancèrent massivement la contre-attaque en liquidant la plupart des aristocrates du parti de la reine douarière. Surprise par la virulence de cette offensive, cette dernière voulut reprendre la régence mais trop tard… A sa place, le beau-père du nouveau roi, Kim Jo-sun, jouira désormais de la confiance totale du monarque maladif et indécis. L’arrivée au pouvoir de ce nouveau Kim mit fin à la longue période pendant laquelle différents partis de la Cour s’opposèrent et se contrebalancèrent à la Cour de Joseon. Au lieu de ces factions, ce sera désormais, une poignée de familles puissantes corrompues qui abuseront d’un pouvoir plus puissant que celui du monarque. A la tête de ces familles se trouvait la famille Kim du clan Andong auquel appartenait Kim Jo-sun… Le déclin de Joseon sembla désormais irrévocable alors que tout n’était pas encore perdu.
Car le fils légitime du roi Sunjo, donc le petit-fils de Jeongjo, ressemblait comme deux goûtes d’eau à son grand-père que ce soit sur les plans du physique et de l’intelligeance. Le prince héritier Hyomyeong, Yi Yeong, qui inspira l’intrigue et le personnage principal de Love in the Moonlight. Ce rôle fut incarné par Park Bo-geom.
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D’après des archives officielles tels que les annales de Joseon ou des documents privés, tels que des lettres ou des journaux, la description de la reine dans The Red Sleeve serait plus conforme aux faits historiques. Alors que jusqu’à présent, dans bon nombres d’œuvres littéraires et audiovisuelles, elle était décrite comme ENNEMIE de Jeongjo et de son père, le prince héritier Sado. Notamment dans le film Yoekrin et la série Yi San. Ce qui montre que l’histoire de Corée, en tant que discipline, ne cesse d’évoluer grâce à la découverte de nouveaux documents et au développement technologique.
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