Pékin, en 1784. Le père jésuite français, Jean Joseph de Grammont, reçut la visite surprise d’un aristocrate de Joseon, Yi Seung-hun. Le père français aura dû être interloqué quand Yi lui demanda de lui donner le baptême. Car aucun missionnaire n’avait jamais mis le pied dans ce royaume ermite situé au bout du continent ! Yi Seung-hun, désormais appelé Pierre, devint ainsi le premier chrétien coréen dûment baptisé.
Une quinzaine d’années plus tard, le souverain pontife de l’époque, Pie VI, apprit cette nouvelle alors qu’il vivait en France comme prisonnier de la république française. Il aurait pleuré de chaudes larmes lorsqu’il apprit ce « miracle de Joseon ». Et pour cause. Jamais le catholicisme n’avait été transmis à un pays sans l’intermédiaire d’un missionnaire venant de l’extérieur. Et à chaque fois qu’il dût affronter des épreuves, cette nouvelle incroyable l’aurait consolé. Ses successeurs lointains, les papes Jean-Paul II et François qui ont visité la Corée ne manqueront pas rappeler ce cas unique dans l’histoire du catholicisme.
Comment ce miracle fut-il rendu possible ?
Au 18e siècle, la société coréenne vivait une période de transition passionnante ! Grâce aux différentes politiques des deux grands rois, Yeongjo et Jeongjo, visant à améliorer la vie du peuple, le commerce se développa considérablement. La mentalité des jeunes lettrés évoluait tout aussi vite. La civilisation de l’Occident et les nouvelles idées et nouveaux courants littéraires chinois remettaient en question, notamment auprès des lettrés de la jeune génération, le néoconfucianisme classique, l’idéologie fondatrice de Joseon au… 14e siècle ! Pour les enfants terribles du 18e, les interprétations classiques de cette dernière paraissaient extrêmement vieillottes. Ils étaient assoiffes de nouvelles idées et de nouvelles sciences plus aptes que le néoconfucianisme à relever différents défis socio-économiques. D’un autre côté, la classe dirigeante se sentait menacée par la montée en puissance des roturiers cultivés et riches, notamment les médecins, les interprètes du roi et les marchands.
Dans ce contexte, le catholicisme, introduit en Corée dès le 17e siècle, fut d’abord étudié par ces lettrés progressistes comme une science. L’un des interprètes de la Cour, Thomas Kim Beom-woo, organisa des séances d’études dans sa maison. Plusieurs membres de ce cercle devinrent croyants. Le problème, c’est que le Saint-Siège venait d’interdire les cultes aux ancêtres chez les fidèles en Chine que les jésuites avaient tolérés jusqu’alors. Ainsi, les premiers catholiques coréens furent sommés de renier leur foi. Thomas Kim Beom-woo, qui resta fidèle, fut gravement torturé et mourut à son lieu d’exil. Il devint ainsi le premier martyr de Corée. Un siècle plus tard, la cathédrale de Myeongdong sera construite sur l’emplacement de sa maison.
Et pourtant, Jeongjo, le roi de l’époque, se montra plutôt modéré face à cette nouvelle religion. Il crut à un phénomène éphémère car il trouvait le catholicisme trop superstitieux pour être pris au sérieux. Par ailleurs, À l’époque, nombreux étaient ceux qui prenaient le christianisme pour une secte bouddhiste.
Or, dès sa mort en 1800, les catholiques subirent quatre grandes vagues de persécutions sanglantes entre 1801 et 1866, et souvent pour des raisons plutôt politiques que confessionnelles. Des dizaines de milliers de fidèles et de prêtres furent décapités, y compris le premier prêtre coréen, André Kim Dae-geon et des prêtres envoyés par la mission étrangère de Paris(MEP). 103 d’entre eux furent canonisés en 1984, lors de la première visite de Jean Paul II en Corée.
C'est Seulement depuis l’établissement des relations diplomatique entre la Corée et la France en 1886, que le catholicisme fut autorisé. La MEP put enfin effectuer ses missions en toute liberté ! Six ans plus tard, deux prêtres français lancèrent la construction de la cathédrale de Myeongdong, achevée en 1898. En 1915, un autre prêtre français bâtira la cathédrale de Jeondong à Jeonju. Une très belle église à ne pas manquer lors de votre visite à Jeonju.
L’église catholique joua également un rôle important dans la démocratisation du pays notamment sous les régimes autoritaires dans les années 70 et 80. En octobre 1972, par exemple, le président Park Jung-hee, révisa la Constitution de manière à ce qu’elle lui permît de jouir des pleins pouvoirs à vie. Indignation générale chez les étudiants et les citoyens. Mais hélais, à l’époque, l’armée était du côté du pouvoir. Or, le premier cardinal de la Corée, Stéphane Kim Su-hwan condamna publiquement Park alors de la messe de minuit de Noël. Cette messe était en train d’être diffusée en direct à la télévision par la chaîne nationale KBS. Interloqué par cette audace, Park fit vite interrompre la diffusion. Il demanda même au Vatican de destituer le cardinal. Demande rejetée, bien entendu. Depuis, des prêtres progressistes formèrent « le groupe des prêtres pour la réalisation de la justice » afin d’intervenir pour les citoyens opprimés et les plus isolés de la société. C’est ainsi que les extrêmes-droites qualifient de « communiste » l’église catholique coréenne, en particulier ce groupe.
Et lors de la première visite de Jean-Paul II en 1984, il tint à visiter la ville de Gwangju alors que Chun Du-hwa, qui ordonna le massacre de Gwangju en mai 1980 était président à l’époque.
Et lorsque les citoyens se soulevèrent contre ce détestable Chun Du-hwan qui tenta illégalement de renouveler son mandat présidentiel en juin 1987, le cardinal offrit l’asile aux manifestants dans la cathédrale de Myeongdong. Lorsque les forces de l’ordre tentèrent de pénétrer dans le site, il déclara : « Si vous rentrez dans l’église, vous rencontrerez d’abord moi-même. Puis, vous allez voir des prêtres en grèves. Derrière eux, il y a des bonnes sœurs. Les étudiants que vous cherchez se trouvent derrière elles. Si vous voulez arrêter ces étudiants, foulez-moi d’abord, puis foulez-les prêtres et les bonnes sœurs. »
Les citoyens finirent par triompher à la fin du même mois et une nouvelle Constitution digne de ce nom fut votée la même année. C’est notre actuelle Constitution. La plupart des catholiques coréens sont très fiers de cette histoire. Aujourd’hui encore, l’église catholique coréenne est respectée par beaucoup de Coréens pour son engagement pour la démocratie et la classe vulnérable, et aussi pour son esprit de tolérance ouvert à d’autres religions.
Aujourd’hui, les catholiques représentent environ 10 % de la population et les protestants, 20 %.
Merci beaucoup.tres intéressant. 😊
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