Les noms des rois de Joseon


« Séjong, 세종», « Séjo, 세조 », « Taejo,태조 », « Taejong, 태종», « Jeongjo,정조 », « Jeongjong »… etc. Les noms des 25 rois de Joseon ont de quoi vous confondre avec ces deux terminaisons qui reviennent tout le temps, « jo » ou « jong ». 

 Par ailleurs, ces souverains avaient d’autres appellations. Pour Séjong le Grand, par exemple, le prénom donné lors de sa naissance était « Do, 도», puis, il reçut le titre de « Grand prince Chungnyeong, 충녕대군 », lorsqu’il était encore simple troisième prince du roi Taejong. 

Quant à Jeongjo, il a un prénom de naissance, « San, 산 » mais il n’eut reçu aucun titre de prince avant de succéder à son grand-père, Yeongjo. 
 
En plus, les noms de deux rois de Joseon ne se terminent pas par « jo » ou « jong », mais par « gun (Yeonsangun, Gwanghaegun). Mais c’est quoi, cette galère ? Voici une petite explication. 

1. « jo » ou « jong » ? 

1-1. Noms de temple (묘호) 

Parlons d’abord des noms de rois utilisés les plus souvent qui s’achèvent par « jo » ou « jong ». Il s’agit d’une sorte de noms posthumes, baptisés « noms de temple (묘호) ». des souverains que leurs successeurs et des hauts dignitaires en fonction choisirent après leur décès. Les pays de l’Asie de l’Est, la Chine, la Corée et le Vietnam adoptèrent cette pratique. 

Ces noms furent ensuite inscrits sur la tablette funéraire qu’on conservait dans le sanctuaire royal (종묘). C’est  cet endroit où les membres de la famille royale effectuaient des cultes aux anciens rois. C’est également par ce nom que le peuple désignera les ex-monarques. Ainsi, les annales d’un roi sont baptisés « les annales de Séjong (세종실록) », « Les annales de Séjo, (세조실록) », etc. 

1-2. A qui attribuer « jo » ou « jong » 

Les noms de temple se composent de deux caractères chinois. Le premier résume le caractère des défunts rois ou les exploits accomplis par ces derniers. Mais le second était toujours choisi entre « jo » ou « jong ».

 « jo,조, 祖 (zǔ  en chinois, tổ en vietnamien) » signifie, en caractère chinois, «  ancêtres », « le fondateur d’une famille », « le premier », etc. Donc, cette terminaison est dédiée implacablement au fondateur de la dynastie, souvent avec « Tae » ou « Go », qui veulent dire respectivement « le premier » ou « très grand » et « haut». Ainsi, les fondateurs de Goryeo (918-1932) et de Joseon reçurent tous deux « Taejo » comme nom de temple. 

Cette terminaison étaient également dédiée aux monarques qui surmontèrent des grandes crises, comme des guerres, ou qui renversèrent des tyrans. C’est le cas de Seonjo et Injo. Sous le règne de Seonjo, la Corée réussit à repousser les invasions japonaises (1592-1598). Injo, quant à lui, renversa le tyran Gwanghae (1623) avec l’aide des courtisans de l’opposition.
Quant à « jong, 종, 宗 ( zōng en chinois, tông en vietnamien) », qui veut dire « fils légitime, le meilleur, ancêtre vertueux », était attribué aux rois qui succédèrent légitimement à leur prédécesseur ou/et qui géra bien les affaires d’État. 

Alors pourquoi deux rois, Yeonsangun et Gwanghaegun, n’ont pas de noms de temple ? Car ils furent chassés pour leur tyrannie. Donc, ils ne pouvaient pas être vénérés dans le sanctuaire royal. Par conséquent, pas de nom de temple pour eux. Ils durent se contenter du titre de « prince (gun) » qui était attribué généralement aux fils naturels du roi. 

1-3. Rappel historique

L’emploi de ces noms remonte bien loin. C’est au cours de la deuxième dynastie royale chinoise, la dynastie Shang ( 商,1570 – 1045 av. J.-C.) que ces noms auraient été utilisés pour la première fois. Mais c’est à partir de la dynastie suivante, la dynastie Zhou (周, 1045 av. J.-C. – 256 av. J.-C.), que cette pratique fut institutionnalisée comme protocole confucianiste. 

Au début, c’était seulement à des empereurs qui accomplirent de grands exploits que ces noms étaient dédiés. Mais à partir de la dynastie Tang (唐 618–690,
705–907), certains souverains abusèrent de cette pratique pour glorifier leurs prédécesseurs. Ainsi, à partir de la dynastie Song, tous les empereurs reçurent ces noms. 

En Corée, c’est la dynastie Shilla (신라,57 av. J.-C. – 935 ) qui adopta la première ce système. Mais à l’instar de la Chine avant la dynastie Song, tous les rois ne les reçurent pas, mais seulement trois d’entre eux. 

C’est depuis la dynastie Goryeo que cet usage fut appliqué systématiquement à tous les rois. Le Vietnam adopta également cette pratique.

2. Le prénom des rois : « hui, 휘»

Certains d’entre vous auront déjà remarqué que  le prénom des rois, appelé «hui », et de la plupart des princes, n’est constituée d’une seule syllabe, alors qu’en règle générale, les Coréens mettent deux syllabes pour composer les prénoms de leurs enfants. C’est parce qu’il était fermement interdit pour le peuple d’utiliser le caractère chinois qui constitue le prénom du roi. Donc, les membres royaux susceptibles de devenir roi avaient pour prénom un seul caractère chinois qui n’est pas couramment utilisé dans la vie quotidienne. 

Mais pourquoi Taejo de Joseon, Yi Seong-gyeo et Taejong, Yi Bang-won, eux, ont-il des prénoms composés de deux syllabes ? C’est que quand Yi Seong-gye est né, il n’était pas encore roi ! Idem pour Yi Bang-won, qui apporta une grande contribution pour la fondation de Joseon. Yi Seong-gyeo changea, par ailleurs, son prénom après son accession au trône et choisit « Dan, 단, (旦)» comme hui. 

3. Les titres des princes

3-1. « grand prince (대군) » ou « prince (군) » ? 

Dans mes précédentes publications, j’ai traduit « grand prince (대군) » et « prince (군) » pour désigner les fils de roi de Joseon afin de faire plus simple. Mais la dynastie de Joseon était un pays strictement monogamique, même si le concubinage était toléré. La distinction entre les épouses légitimes et les maîtresses était strictement définie par la loi. Même pour les femmes des rois ! 

Donc, quand je parle d’une seconde ou d’une troisième épouse d’un roi de Joseon, cela signifie des reines que le rois épousa à la mort ou plus rarement la destitution des précédentes. 

Les concubines du roi  jouissaient pourtant de titres officiels contrairement aux maîtresses des autres, car elles étaient considérées comme éventuelles mères de futurs souverains au cas où la reine n’aurait pas d’enfant. Il n’empêche que les droits dont elles et leurs fils jouissaient étaient nettement inférieurs par rapport à ceux de l’épouse légitime. 

Dans ce contexte, les fils de la reine recevaient le titre de « grand prince (대군) » alors que ceux des concubine, « prince (군) ». Mais contrairement aux pays européens, ces derniers avaient un statut juridique plus avantageux dans l’ordre de succession que les petits-frères du roi. Si un souverain qui avait plusieurs petits frères décèdait sans laisser des fils légitimes mais quelques fils naturels, en principe, c’est l’un de ces derniers qui avait le droit de lui succéder et non ses frères. 

3-1. Pourquoi certains rois n’eurent pas le titre de grand prince ou de prince ?

Lorsque les fils des rois atteignaient un certain âge, ils recevaient des titres qui finissent par « grand prince (대군) », s’ils étaient issus de la reine ou « prince (gun) », s’ils étaient enfants naturels. Or, le premier fils de la reine ou plus rarement celui des concubines en cas de l’absence des fils légitimes, recevait d’abord le titre de « fils principal (wonja, 원자) », puis  « dauphin (séja, 세자) » sans aucun qualificatif. Ce qui était notamment le cas de Jeongjo, qui fut désigné comme « petit-fils principal (wonson) » ensuite « petit-fils héritier ». Donc, lui, il n’a pas de titre de grand prince. 

Normalement, on met bien avant le titre de prince héritier. Il est le prince héritier, point final. Et pourtant, il y a des princes qui reçurent les titres de « Prince héritier Sado » ou « Prince hériter Sohyeon » (l’aîné du roi Injo qui apparaît comme protecteur du personnage principal de « My Dearest »). Ce sont des titres posthumes qu’on leur attribua après leur mort pour les distinguer des autres. 

Soit dit en passant, en principe, le prince héritier Sado, n’aurait pas dû recevoir ce titre car il fut exécuté par son père, Yeongjo, en tant que criminel. Mais c’est le père lui-même qui lui octroya ce titre en lui promettant de faire de son fils, le futur roi Jeongjo, son successeur...

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