Poème et histoire d’amour déchirant


Ô nom brisé en mille morceaux !
Ô nom éparpillé dans les airs ! 
Ô nom sans maîtresse qui ne me répond plus ! 
Ô nom que je crierai à en mourir ! 

Le mot que j’avais gardé dans mon cœur, 
Il y restera pour toujours enseveli. 

Ô toi qui m’étais si chère, 
Ô toi qui m’étais si chère! 

Le soleil pourpre est perché sur la colline de l'Ouest. 
Les cerfs pleurent eux aussi à chaudes larmes. 
Eloigné de ton corps, 
Depuis une montagne lointaine, 
J’appelle ton nom. 

Je t’appelle, accablé par la douleur.
Je t’appelle, accablé par la douleur. 
A quoi bon, ma voix retentissant dans le vide! 
Le ciel et la terre sont trop éloignés! 

Même si je me transformais en une pierre ici, debout, 
Je continuerai de crier ton nom à en mourir! 
Ô toi qui m’étais si chère, 
Ô toi qui m’étais si chère!


« L’appel de l’âme », Kim So-wol (1902-1934)
Traduit par Shim So-jeong

L’auteur de ce poème, Kim So-wol est l’un des poètes les plus aimés des Coréens. Il naquit en 1902 comme fils unique de la famille. Deux ans plus tard, son père se fit violemment battre par des ouvriers japonais alors qu’il était en train d’aller chez un parent avec différents plats. Ces bandits voulurent lui voler ces mets. Traumatisé par cette humiliation, le père devint fou : il refusa de sortir ni de manger. Il finit par mourir de faim. 

La mort tragique de son père affligea profondément l’enfant. Par ailleurs, il n’avait ni frère ni sœur avec qui il pouvait partager sa douleur. So-wol déménagea, par la suite, chez son grand-père avec sa mère. Lorsqu’il entra à l’école, il rencontra une fille plus âgée de trois ans qui s’appelait Oh-soon qui était également sa voisine. Tendre et douce de nature, Oh-soon s’intéressa à ce jeune garçon triste et solitaire. Ils devinrent vite des confidents intimes. Au fil du temps, leur amitié se transforma en amour. Afin d’éviter le commérage, ils se donnaient souvent des rendez-vous dans une forêt, près d’une cascade. Les deux adolescents promirent de se marier. 

Hélas ! Le grand-père de So-wol l’obligea d’épouser la petite fille d’un de ses amis. Hors de question de lui désobéir. La mort dans l’âme, So-wol dut quitter la demoiselle de sa pensée. Avant leur séparation, il lui offrit un carnet dans lequel il avait écrit des poèmes en pensant à sa bien-aimée. 

Trois ans plus tard, Oh-soon convola à son tour. Malheureusement, son mari était un homme maladivement jaloux et violent qui battait sa femme au moindre prétexte. Un jour, il découvrit le carnet des poèmes de So-wol… Et Oh-soon mourut sous ses coups. 

Le poète fut inconsolable. Il écrivit ainsi ce poème, « L’appel de l’âme », après les obsèques de son amour. Le titre en coréen est « 초혼(chohon) ». Ce terme désigne un rituel funéraire traditionnel qui consiste à appeler le nom du défunt à plusieurs reprises en souhaitant de faire revenir l’âme de ce dernier…

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