Le verdict de la destitution du président Yoon Suk-yeol rendu par la Cour constitutionnelle


1. Les conditions réelles et procédurales ont-elles été remplies ? 

Selon la Constitution et la loi relative à la loi martiale, il faut que le pays soit face à une grave crise telle que la guerre ou des évènements dont la gravité vaut cette situation extrême. Le président prétend que les parti de l’opposition, qui détiennent 192 sièges sur 300 à l’Assemblée nationale (son parti 108 sièges), ont provoqué une situation aussi grave en destituant de nombreux hauts cadres, en adoptant des propositions 

de loi de manière unilatérale et ont tenté de réduire le budget pour l’année 2025. Mais la Cour a jugé que la situation n’était pas aussi chaotique pour justifier le déclenchement de cette mesure d’urgence d’autant plus que Yoon avait d’autres moyens juridiques pour faire face à ces problèmes, tels que saisir la Cour constitutionnelle, demander de réexaminer les propositions de loi, etc. 

Yoon a également évoqué son soupçon sur une éventuelle fraude électorale, notamment lors des dernières législatives tenues en avril 2024. (Le parti au pouvoir dût essuyer une défaite cuisante en n’obtenant que 108 sièges sur 300.) 

Mais il est difficile de reconnaître qu’un simple soupçon peut provoquer une grave crise. Par ailleurs, la Commission nationale de l’élection avait renforcé les mesures nécessaires pour mieux garantir la transparence des élections avant les dernières législatives. 

Enfin, la partie défenderesse affirme que l’objectif de ce dispositif d’urgence c’était pour avertir le peuple sur la dictature législative que commettrait  l’opposition mais ce n’est pas non plus le but défini par la loi sur la loi martiale. Donc, le président a violé les conditions réelles requises pour l’instauration de la loi martiales. 

La proclamation de la loi martiale ainsi que la nomination du commandant chargé de l’appliquer doivent être examinés au conseil des ministres. Certes, le président avait convoqué une réunion (pendant cinq minutes) avec le Premier ministre et 10 ministres pour leur expliquer sa position sur cette affaire. Mais le président n’a donné ni des explications précises ni l’occasion aux autres de s’exprimer. Par ailleurs, il proclama la loi martiale sans signature des membres du conseil et n’en informa pas tout de suite l’Assemblée nationale. Ainsi, le président a enfreint les conditions procédurales prévues par la Constitution et la loi martiale. 

2. L’injection des soldats et des policiers au Parlement

Le président a ordonné au ministre de la Défense de l’époque de déployer l’armée à l’intérieur du Parlement. Ce qui a fait que des soldats y entrèrent par hélicoptère et certains d’entre eux ont même brisé une fenêtre afin de pénétrer dans le bâtiment principal. Le président a également ordonné aux officiers qui commandaient sur place d’expulser les députés qui se trouvaient dans l’hémicycle. Quant à la police, le président a ordonné au chef de la Police de bloquer les entrées du Parlement. Ce qui obligea certains élus à franchir le mur ou à rester dehors. Enfin, il a ordonné au 1er vice-directeur du Service national des renseignements (NIS) de localiser 14 personnes dont le président du Parlement, les chefs des partis politiques clés, les anciens juges, etc, pour aider l’armée à les arrêter en cas de besoin. 

En ce faisant, le président violé le premier article de la Constitution : « La souveraineté appartient au peuple et tout le pouvoir provient du peuple », en tentant d’empêcher aux représentants du peuple souverain d’exercer leurs droits. Il a également enfreint un autre article de la Constitution octroyant aux députés le droit de lever la loi martiale. Enfin, en déployant l’armée et la policier à des fins politiques, il mis en situation de confit les citoyens et les soldats ainsi que les policiers alors que leur vocation était d’assurer la sécurité nationale et défendre le territoire. Ainsi, le président a porté atteinte à la neutralité politique de l’armée et de la police et violé son devoir de commander l’armée en vertu de la Constitution.

3. Le décret de la loi martiale

Le président a violé, par ce texte, plusieurs articles de la Constitution qui prévoient d’accorder au Parlement le droit de lever la loi martiale, et qui instaurent le multipartisme, la démocratie représentative, le principe de division des pouvoirs, etc. Il a aussi porté atteinte aux droits fondamentaux du peuple, telles que les droits politiques et d’action collective et à la liberté de choisir son métier. Enfin, il a violé le principe des mandats. 

(Les points principaux du décret :
-L’interdiction de toutes les activités du Parlement et des partis politiques
-Le contrôle de tous les médias et les publications
-La sanction de tous les médecins spécialistes qui refusent de revenir aux hôpitaux (Beaucoup de médecins sont partis pour des cabinets privés, etc, suite au conflit avec le gouvernement de Yoon qui veut augmenter le nombre des étudiants en médecine de 2000) 
-La possibilité d’arrêter, d’incarcérer et de perquisitionner sans mandat

4. Sur la perquisition de la Commission nationale de l’élection

Le président a ordonné au ministre de la Défense de vérifier le système informatique de la commission en y envoyant l’armée. Ainsi, les effectifs déployés là-bas ont saisi les téléphones des employés sur place et photographié le système informatique. Cela revient à violer le principe des mandats et à porter atteinte à l’indépendance de la commission. 

5. Sur la tentative de localiser les magistrats

Sur les 14 personnes que le président a ordonné de localiser, il y avait deux anciens juges. Cela pourrait exercer une pression sur les juges en fonctions, ce qui revient à porter atteinte à l’indépendance du pouvoir judiciaire. 

6. Conclusion

En mobilisant l’armée et la Police à des fins politiques afin d’empêcher les députés d’exercer leurs droits garantis par la Constitution, le président a nié la souveraineté du peuple et la démocratie. Il a également négligé les institutions constitutionnelles en déployant l’armée à la Commission nationale de l’élection. Enfin, il a largement porté atteinte aux droits fondamentaux du peuple en publiant le décret martial. De tels actes reviennent à violer les principes de base de l’Etat de droit et de la démocratie. 

Par ailleurs, si le Parlement a pu voter la révocation de la loi martiale si rapidement, c’est seulement grâce à la résistance du peuple et aux soldats ainsi qu’aux policiers réticents à exécuter l’ordre du président. Ainsi, cela ne change en rien la gravité de la violation de la loi par le président. 

Les droits du chef de l’Etat sont attribués par la Constitution. Le président Yoon a provoqué la méfiance du peuple quant à l’exercice de ce pouvoir en abusant du droit de proclamer la loi martiale qui requiert la plus grande prudence parmi les compétences présidentielles. 

Certes, les partis de l’opposition a destitué plusieurs hauts fonctionnaires, tenté  de réduire unilatéralement le budget, se sont opposés à l’application des politiques principales du gouvernement et ont adopté des propositions de loi. Le président rejeta, à son tour, de proclamer les textes adoptés en demandant au Parlement de les réexaminer. Dans ce cercle vicieux, le président aurait pu ressentir une grande responsabilité en jugeant que le parti de l’opposition paralysait les affaires de l’Etat et portait atteinte aux intérêts nationaux. Une telle analyse devrait être respectée sur le plan politique. 

Mais ce conflit entre les deux parties n’est pas de la responsabilité d’un seul camp. Et c’est un problème à régler de manière démocratique. Le Parlement aurait dû respecter les avis minoritaires et essayer de trouver des terrains d’entente à travers le dialogue et le compromis. Quant au président, il aurait dû respecter l’Assemblée nationale qui représente le peuple comme partenaire de coopération et de compromis. 

Le président avait l’occasion de persuader le peuple de lui permettre de diriger activement les affaires de l’Etat lors des dernières législatives tenues deux ans après son investiture. Et même si le résultat ne lui avait pas convenu, il n’aurait jamais dû écarter les avis du peuple qui avait soutenu les partis de l’opposition. 

Pourtant, le président a plongé le peuple dans la stupeur en proclamant la loi martiale, ce qui revient à violer gravement la loi et la Constitution. Il a aussi provoqué du chaos dans tous les domaines, tels que la société, l’économie, la politique et la diplomatie. Il a également enfreint son devoir d’unir tout le peuple et non pas seulement ses partisans. 

Ainsi, le président a trahi la confiance du peuple en perpétrant des actes anticonstitutionnels et illégaux. Cela constitue une grave violation de la loi inadmissible pour la défense de la Constitution. Comme les répercussions négatives que ses actes ont engendrées sur l’ordre de la Constitution graves, nous jugeons que les intérêts de la défense de la Constitution sont absolument plus grands que les pertes que la nation doit subir suite à la destitution du chef de l’Etat. 

Ainsi, nous proclamons ce verdict principal à l’unanimité. Il est 11h 22. 

Le verdict principal : la Cour destitue le président Yoon Suk-yeol.
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Commentaires

  1. suzanne vieillot9 avril 2025 à 19:18

    bravo , la voix du peuple a gagnée, belle exemple de démocratie

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