« Président de la Corée, c’est le métier le plus dangereux au monde. ». Tel fut le commentaire d’un internaute chinois suite à la validation de la destitution de l’ex-président Yoon Suk-yeol par la Cour constitutionnelle.
En effet. Parmi 13 chefs de l’Etat qu’on eut depuis la création de la République de Coréen en 1948, deux furent destitués, un forcé à se retirer, un autre assassiné, cinq inarcérés, et deux, condamné à la peine capitale.
Voici l’histoire de ces présidents qui se crurent roi.
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Le premier Président de la République était Rhee Seung-man. Il fut obligé de se retirer en avril 1960 suite à la présidentielle falsifiée organisée un mois avant. Car, d’abord les étudiants, ensuite tous les citoyens, se soulevèrent massivement contre lui le 19 avril, en protestant contre cette fraude électorale. Rhee s’exila aux Etats-Unis avec sa femme américaine après sa démission.
Le général Park Jung-hee prit le pouvoir par le coup d’Etat du 16 mai 1961. Certes, sa contribution pour le développement fulgurant du pays est incontestable. Mais il ne cessa de renouveler son mandat en manipulant la Constitution. Surtout celle proclamée en 1972, QUI instaura un régime dictatorial. Ce texte lui permettait notamment d’exercer un pouvoir absolu et de rester à vie au sommet. En octobre 1979, les étudiants et les citoyens organisèrent des manifestations de grande ampleur à Busan et à Masan. Encouragé par ce soulèvement populaire, un proche de Park l’assassina le 26 octobre de la même année.
Le général Chun Doo-hwan emboîta le pas au défunt chef de l’Etat. Chun arriva au pouvoir avec le coup d’Etat du 12 décembre 1979, en profitant de la confusion engendrée par la mort imprévue de Park. Le 17 mai 1980, il proclama une loi martiale qui permettait d’interdire les activités du Parlement. Auparavant, cette mesure d’urgence avait déjà été mise en place plusieurs fois. Cependant, c’était la première fois que les représentants du peuple avaient été visés. Les citoyens de Gwangju, ville située dans le sud-ouest du pays, se révoltèrent contre ce dispositif dictatorial. L’armée les réprima sans pitié en faisant des milliers de mort.
Mais il n’eut pas le dernier mot. A la fin de son mandat, Chun tenta de se faire réélire président en modifiant la Constitution. Méthode classique utilisée par tous les dictateurs du monde. Les citoyens se mobilisèrent une nouvelle fois en juin 1987 et réussirent à lui faire renoncer à ce projet odieux. Une nouvelle Constitution fut adoptée. Il s’agissait de la 11e révision de la Constitution en 40 ans. Elle instaura en particulier, le suffrage universel direct pour la présidentielle, le mandat quinquennal non renouvelable du président ainsi que la création de la Cour constitutionnelle. Elle jouera le rôle majeur dans la défense des droits humains, en qualifiant d’anticonstitutionnelle l’interdiction de l’avortement, le crime d’adultère, la punition des objecteurs de conscience, etc.
Chun Doo-hwan et son complice Roh Tae-woo, qui fut élu président en décembre 1987, furent condamnés à mort en 1997 pour crime d’insurrection. Ils furent graciés par la suite mais cette condamnation est hautement symbolique montrant la ferme volonté du peuple coréen d’en finir avec l’héritage des régimes authoritaires. En ce faisant, la Cour suprême confirma le verdict des tribunaux inférieurs qui estimait que le décret de la loi martiale du 17 mai qui déclencha le mouvement démocratique de Gwangju était une violation grave de la loi.
28 ans plus tard, en janvier 2025, l’ex-ministre de la Défense, Kim Yong-hyun, le complice numéro un de Yoon, avoua que c’était ce décret-là qu’il avait pris comme modèle de celui qu’il avait rédigé, lui-même, lors de la proclamation de la loi martiale du 3 décembre 2024. C’est grâce à l’habileté de l’un des avocats du Parlement, (-) maître Jang Soon-wook que Kim fit cet aveu :
Jang : On ne peut trouver de clause interdisant les activités politiques du Parlement dans aucun décret de loi martiale précédent, ni dans celui de 1972 ni celui de 1979. Quel est le décret auquel vous vous êtes référé ?
Kim : C’est celui de mai 1980.
Jang : (En hochant la tête d’un air compréhensif) Ah…je vois, je vois… Celui qui étendit la zone soumise à la loi martiale proclamée en décembre 1979, c’est ça ?
Kim : (Tout satisfait) Exact.
Jang : (En feuilletant ses papiers d’un geste négligé). A propos, savez-vous quel a été le jugement de la Cour suprême sur ce texte-là ?
Kim : Non.
Jang : (En essuyant ses lunettes en toute tranquillité) Je vous conseille vivement de le lire quand vous aurez le temps.
En mars 2017, la présidente Park Geun-hye, la fille aînée de Park Jung-hee, fut destituée pour la première fois pour un chef d’Etat coréen. Suite à la révélation d’une gigantesque affaire de corruption et d’abus de pouvoir en octobre 2016, des centaines de milliers de personnes descendirent dans la rue toutes les semaines avec une bougie à la main. Le Parlement vota la motion de censure au début décembre et la Cour constitutionnelle la valida en mars. Puis, elle fut condamnée à 20 ans de prison. Après avoir passé environ trois ans et demi en prison, elle fut graciée par son successeur, Moon Jae-in en 2021.
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Le procès pénal de Yoon Suk-yeol vient de débuter, lundi. Là, il avança de nouveaux tous les arguments et allégations déjà rejetés par la Cour constitutionnelle. Ses mots sont devenus encore plus violents que lors du procès en destitution. A suivre…
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