Sookjong et ses cendrillons

La page la plus tapageuse de l’histoire de Corée ! Jamais une série sageuk n aussi n’a été aussi remplie de rebondissements plus imprévisibles les uns que les autres. L’histoire d’un roi qui fit d’une roturière et d’une femme de la classe inférieure des cendrillons. A ne pas manquer si vous avez apprécié The Red Sleeve. Le roi en question est l’arrière-grand-père de Jeongjo. Et on y verra pourquoi, Yeongjo, le grand-père et le fils naturel du héros du jour souffrait autant d’un complexe d’infériorité. Le titre de ce texte pourrait être « A la source de la tragédie de Sado »
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Le roi Sookjong (1661-1720) accéda au trône en 1674 à l’âge de 12 ans. Sa mère, qui aimait intervenir en politique, aurait bien voulu assumer la régence, alors qu’à l’époque, on considérait les personnes de 15 ans et plus comme majeures. Mais le jeune ado couronné préféra prendre tout de suite en main les affaires d’Etat. Ca s’annonçait bien. On se souviendra de lui comme l’un des rois les plus charismatiques mais aussi émotionnels, susceptibles, colériques et capricieux. En un mot, sale caractère. Tout comme son fils naturel, un certain Yeongjo, le père du prince héritier Sado et le grand-père du roi Jeongjo. Tel père, tel fils. Mais comme Yeongjo, il aima profondément le peuple et accomplit plusieurs exploits pour améliorer la vie de ses sujets.

A ce moment-là, la Cour était divisée en deux partis : Seoin et Namin. Ce sont les Namins qui étaient pouvoir car ils avaient obtenu la faveur du défunt roi. Or, la famille de la reine mère appartenait à l’opposition. Elle aurait bien voulu exercer son influence sur son fils pour changer la donne mais Sookjong étant Sookjong, il préféra régner selon ses convictions. Et pour l’instant, il ne trouva rien à redire à son Premier Ministre qui était de Namin. Or, six an s plus tard, à l’âge de 18 ans, craignant que le pouvoir de Namin ne dépasse le sien, il renversa violemment l’échiquier politique en prétextant une affaire d’insurrection. La joie de sa mère fut inégalable. 

Mais elle ne se doutait pas qu’une servante âgée de 21 ans, qui travaillait dans le pavillon de sa grande-belle-mère, la reine douairière Jangryeol, allait encore renverser la situation. L’un des ses oncles était l’un des plus grands interprètes du roi de l’histoire de Corée : il séjourna en Chine avec le prince héritier Sohyeon (protecteur des héros de My Dearest). Quoique roturier, il occupait un poste clé à la Cour. Par ailleurs, il était l’un des plus riches du pays comme les traducteurs royaux avaient le droit de commercer lorsqu’ils accompagnaient les délégations à l’étranger. Cet homme puissant était de Namin. Donc, sa jeune nièce, qu’on appelait Jang Ok-jeong, était elle aussi Namin. 

La reine mère était d’autant plus éloignée de craindre un éventuel concubinage de son fils que ce dernier aima passionnément son épouse. Dès l’âge de 15 ans, la jeune reine donna naissance à deux filles et fit une fausse couche. Cependant, elle décéda de la variole à l’âge de 18 ans en 1680, la même année où Sookjong élimina les courtisans de Namin. 

Selon le protocole de la Cour, les membres de la famille royale commençaient et terminaient leur journée en saluant leurs aînés. Ce matin fatal que les historiens situent aux alentours de la date du décès de sa femme, le jeune roi âgé de 18 ans, se rendait au pavillon de son arrière-grand-mère. Soit dit en passant, la veuve du roi Injo (arrière-grand-père de Sookjong), le roi détestable de My Dearest, épousa Injo à l’âge de 15 ans, alors que ce dernier avait 43 ans. Par conséquent elle n’avait que 58 ans en 1680. 

Donc, ce jour historique, il vit sa première cendrillon. Jusque-là, il ne l’aurait pas remarquée comme il n’avait d’yeux que pour la défunte reine. Mais là, il fut foudroyé par la beauté de Jang Ok-jeong. Elle est, par ailleurs, l’une des rares femmes que les historiens d’Etat qualifièrent de « belle » dans les annales de Joseon.

Sookjong eût bien voulu faire d’elle sa maîtresse en titre. Contrairement à l’Europe, le concubinage du monarque était une véritable institution en Corée. Objectif : assurer la descendance de manière plus sûre. Ainsi, les enfants naturels du roi étaient autorisés à accéder au trône. Il y avait huit grades de maîtresses officiels. Le plus élevé, le « bin » était l’équivalent de celui du Premier ministre. 
Le problème, c’était la reine mère. En effet, Sookjong avait hérité de son sale… oh pardon, du caractère fort de la reine Myeongseong, alors que son père Hyeonjong était réputé pour sa magnanimité légendaire.
Pour l’histoire de Hyeonjgon qui sauva un ours : 
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La reine mère comprit tout de suite que cette fille n’était pas en reste et que cette dernière serait capable de liquider les Seoins dont Sa Majesté faisait partie. Elle fit chasser la belle de la Cour au grand dam de sa belle grand-mère qui affectionnait sa servante. Si Sookjong ne laissa guère sa mère intervenir dans les affaires d’Etat, il n’avait pas l’audace d’affronter la colère orageuse de maman sur la vie privée. La mort dans l’âme, il ne put rien faire d’autre que laisser partir son amour. La patronne de celle-ci la plaça dans la maison de l’un de ses proches. Trois ans s’écoulèrent ainsi sans que les deux malheureux puissent se voir. 

Entretemps, la reine mère maria son fils à la fille de la famille Min, qui était également Seoin. C’est la reine Inhyeon. Lorsqu’elle apprit l’existence de Jang Ok-jeong, elle fit la généreuse en proposant à sa belle-mère de la faire revenir à la Cour : « Non, n’y pensez même pas, trancha la redoutable reine mère. Vous dites ça car vous ne connaissez pas cette vilaine fille. Toute rouée et sournoise, elle a su apprivoiser le tempérament indomptable du roi alors que son humeur saute d’un extrême à l’autre plusieurs fois par jour. Ainsi, si elle arrive à le corrompre, ce sera un désastre pour l’Etat. »

La reine Myeongseong, qui sembla être d’une constitution aussi forte que son caractère, mourut de manière on ne peut plus imprévisible. En 1686, Sookjong tomba gravement malade. Une chamane conseilla à Myeongsong de rester dehors pendant des heures, vêtue seulement d’un tissu léger mouillé alors qu’on était en plein hiver. Très superstitieuse, elle exécuta ce conseil, attrapa un mauvais rhume, quitta ici-bas quelques jours plus tard.

Sa belle-grande-mère qui craignait Myeongseong saisit cette occasion pour faire revenir sa servante préférée, Jang Ok-jeong. Ainsi eurent lieu les retrouvailles entre elle et son amant royal. Trois ans ne suffirent pas pour affaiblir la flamme. Au contraire, le désir de Sookjong pour Jang ne fut qu’exacerbé. Le roi délaissa complètement sa reine et passa toutes les nuits avec sa bien-aimée tant regrettée. Il lui octroya également le titre de « sookwon », le 8e grade des concubines officielles. Enhardie, Jang n’hésitait pas à provoquer la reine. De son côté, la reine ne se laissa pas intimider, en la punissant quand le degré de ses provocation dépassait la ligne : elle fouetta, elle-même, les mollets de sa rivale effrontée.

Mais, au grand désespoir de la reine, Jang Ok-jeong mit au monde, en 1688, le premier fils de son royal époux, ce qui lui permit de grimper dans la hiérarchie en obtenant le grade de Soeui, l’équivalent de vice-ministre. Environ 100 jours plus tard, l’heureux père voulut désigner officiellement le bébé comme héritier. Et la mère reçut le brevet de « bin », l’équivalent du Premier ministre et s’appellera désormais Heebin. Les Seoins dénoncèrent cette décision « précipitée » car Sookjong n’avait que 28 ans et la reine, 25 ans : « Vous êtes tous encore jeunes pour espérer avoir des enfants légitimes. » Indigné, le roi remplaça la plupart des officiels Seoins par des Namins qui soutenait sa maîtresse. Certains Seoins furent même exécutés et beaucoup, exilés. 

Un an après la naissance du prince, le roi fit une déclaration surprise qui glaça le sang de tous les officiels : « Je vais répudier la reine et mettre à sa place la mère du dauphin. » La raison invoquée ? La jalousie : « Depuis que j’ai nommé Jang comme concubine en titre, elle ne cessa pas de se montrer jalouse. Un jour, elle a même raconté son rêve : ‘J’ai vu vos parents dans mon rêve. Ils m’ont dit que je pourrais avoir beaucoup d’enfants mais Jang n’aura jamais de fils en ajoutant qu’elle apportera malchance à l’Etat car elle est proche des officiels destitués (namin) en 1680.’ Elle a l’air encore plus mécontent depuis la naissance du prince au lieu de s’en réjouir pour l’avenir du royaume. Elle a même dit : « Un garçon ? C’est surprenant. » 

Les Seoins s’y opposèrent fermement. Même les Namins qui soutenaient Jang se montrèrent réticents. Certes à l’époque, la jalousie était considérée comme un vice des femmes mariées mais pas suffisamment grave pour les répudier. En plus, mettre la couronne sur la tête d’une roturière, c’était du jamais vu ! Rien n’y fit. Dix jours après avoir lâcher cette bombe, il répudia la reine et neuf jours plus tard, il nomma sa bien-aimée comme reine. 81 aristocrates Seoins n’hésitèrent pourtant pas à lui envoyer des pétitions virulentes fustigeant cette décision. Tous furent arrêtés, torturés, exilés ou exécutés. Quant aux Namins, leur opposition ayant été beaucoup plus modéré, ils purent éviter la fureur du monarque.

Si seulement l’histoire s’était arrêtée là comme dans les contes de fée ! La nouvelle reine, trois ans plus âgée que roi, avait maintenant 31 ans. La peur de vieillir la rendit impatiente. Par ailleurs, elle attrapa une maladie de peau qui fut fatale à sa beauté. La santé du dauphin était également un grand souci pour elle. Comme elle était d’une famille roturière et que son charme disparaissait de jour en jour, son fils était le seul édifice sur lequel reposait son pouvoir. 

Ce n’était pas tout. La reine déçue, toujours vivante, représentait une menace importante. Certes, cette dernière vivait dans des conditions atroces. Il n’empêche qu’elle était en contact permanent avec les Seoins pour retrouver sa place. En plus, Jang connaissait mieux que tout le monde son mari : cet homme colérique et capricieux pouvait une nouvelle fois renverser l’échiquier politique comme il avait fait deux fois depuis le début de son règne. Dans cette angoisse, sa maladie de peau s’aggrava en l’enlaidissant de plus en plus

Et vers 1693, notre cendrillon apprit que ce qu’elle craignait le plus avait fini par arriver : le roi était tombé amoureux d’une jeune femme de la famille Choi. Cette dernière n’était même pas une servante, mais assistante-servante ! A la Cour, les servantes se faisaient assister par des bonnes qui appartenaient à la classe inférieure. Contrairement aux premières, ces dernières n’avaient pas l’obligation de rester vierges et ne demeuraient pas au palais. Ce qui montre qu'elles étaient placées tout en bas en de l’échelle, elles n’étaient donc même pas considérées comme d’éventuelles maîtresses du roi. La cerise sur le gâteau, cette petite domestique mit au monde un garçon, ce qui lui donna le droit de recevoir un brevet de concubine en titre. Elle commença par Sookwon, le 8e grade, comme Jang. Le bébé mourut quelques mois plus tard. Mais l’année suivante, Sukwon Choi accoucha de nouveau d’un garçon robuste en 1694. Ce nouveau-né n’était autre que le futur roi Yeongjo. Il reçut le titre de prince Yeoning. 

Les Seoins sentirent que le vent était en train de tourner en leur faveur. Ils s’approchèrent de la nouvelle favorite, lui graissèrent la patte pour qu’elle œuvre en faveur du retour de la reine déchue. Quant au roi, à mesure que l’amour pour Jang s’éteignit, il se sentit coupable envers son épouse répudiée. Dans ce contexte, en mars 1694 un aristocrate Seoin dénonça le grand-frère de Jang pour avoir tenté d’empoisonner la nouvelle maîtresse du roi. Ce dernier exila l’accusé tout de suite sans avoir fait mener des enquêtes sur le dossier. 

Quelques jours plus tard, Sookjong fit revenir son ancienne épouse au Palais. Le lendemain, Jang se plaignit que la reine déchue ne vînt pas la saluer. Lorsque le roi entendit ces propos, il déclara officiellement la restitution de la reine déchue et somma son ex-bien-aimée de quitter le pavillon de la reine. Celle-ci est la seule reine déchue à avoir été rétablie de son vivant. Jang redevint Heebin et retourna à son ancien demeure de concubine. Les Seoins purent reprendre le pouvoir et les Namins furent évincés. Ils ne pourront revenir à la Cour qu’après l’accession au pouvoir de Yeongjo, mais ils resteront minoritaires. 

Heebin Jang ne cessa d’essayer de s’emparer du trône d’autant plus que la reine était tout le temps malade. Comme Jang était la mère biologique du dauphin, il devait y avoir encore pas mal de courtisans qui la soutenaient. Elle ne cacha pas son mépris envers la numéro un des Coréennes. Elle fit même épier par ses servantes le pavillon de la reine. La reine s’en indigna souvent auprès de Choi, la mère de Yeongjo, qui était l’une des rares personnes fiables dans le palais. Cette situation humiliante aggrava la maladie de la reine. Sept ans après SA restitution, en septembre 1701, elle mourut à l’âge de 33 ans. 

Un mois plus tard, Sookjong ordonna d’exécuter le frère de Jang qui avait été exilé : « Alors que la reine était gravement malade depuis deux ans, Jang n’est jamais allée s’enquérir de sa santé. Jang refusa même DE l’appeler Sa Majesté, mais plutôt madame Min, tout en la calomniant d’être malicieuse. Ce n’est pas tout. Elle a installé en cachette un endroit voué à la magie noire. Elle s’y rendait toutes les nuits avec deux ou trois personnes de sa suite pour prier la perte de la reine. Bref, elle monta minutieusement des complots pour retrouver le trône. Qui pourrait tolérer un tel crime ? En attendant sa punition, exécutez d’abord son frère.»

Le fait est que sur la dénonciation de Choi, sa favorite, le temple secret ainsi que des objets utilisés pour maudire la reine furent découverts dans la demeure de Jang. 

Deux jours plus tard, le roi condamna son ancienne bien-aimée à se suicider. Une partie des officiels s’y opposa car il se pouvait que le dauphin, une fois au trône, se venge de la mort de sa mère. Le prince héritier, alors âgé de 14 ans, déposa une pétition à son père : « Je connais bien le crime de ma mère. Je vous prie de me tuer avec elle. » Puis, en sanglotant, il implora à tous les officiels : « Sauvez ma mère, s’il vous plaît. Sauvez ma mère ! »

Jang essaya d’adoucir son ex-amant en refusant exécuter son ordre pendant quinze jours. En vain. Ainsi, un jour d’automne, elle mit fin à sa vie pleine de rebondissements. Elle avait 42 ans. 

Sa rivale, Choi, resta favorite du roi et grimpa jusqu’au grade de bin en recevant le titre de Sookbin. Elle décéda deux ans avant le roi, à l’âge de 47 ans. C’est dommage pour elle de ne pas avoir pu voir son fils devenir l’un des plus grands rois de Joseon ! 

A la mort de Sookjong, le fils de Jang, lui succéda malgré la réticence de la majorité des officiels. Il devint le roi Gyeongjong. Malade et sans enfant, son demi-frère, le prince Yeoning, le fils de Choi, constituait une réelle menace à son trône. Comment le futur roi Yeongjo put-il déjouer toutes les pièges que les partisans du roi ne cessèrent de lui tendre ? 

A voir dans ma prochaine publication.

Photo 1 : Le grand ourson qui essaie la tenue de Petit Ourson
Photo 2-4 : La série Jang Ok-jung. Yoo Ah-in a incarné le rôle de Sookjong

Commentaires

  1. bonjour interessee par cette page d histoire je recherche toujours des dramas et infos concernant la mere de u prince SADO , epouse reine ou concubine du fur rut roi YEONING sa veritable position. merci

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