« Blanche-Neige, ce dessin animé de Disney, a été mon premier contact avec l’Occident. Et pour moi, cette princesse reste la plus belle parmi toutes les héroïnes de cette compagnie américaine.», se rappela maman, rêveuse, lorsque je lui demandai de l’argent pour aller voir La Petite Sirène avec mes copines à l’époque.
« Un véritable choc culturel pour moi et mes copines, poursuivit-elle en ouvrant son portefeuille. On ne savait pas qu’il existait un univers aussi beau avec des chansons merveilleuses. Tu vois, j’avais à peu près l’âge de Petit Ourson (7 ans). C’est mon école qui organisa cette petite sortie pour ses élèves. Le dessin animé fut projeté dans le Hall des Citoyens, situé au centre de Séoul. C’était en 1956, trois ans après la guerre de Corée (1950-1953). La capitale avait été complètement rasée. Et ce bâtiment manquait de plafond ! La misère sévissait partout : très peu de personnes mangeaient à leur faim, quelques uns de mes camarades de classe devaient même mendier dans les rues après les cours, les plus chanceux avaient accès aux vêtements d’occasion provenant des pays développés. Mais à ce moment-là, devant l’écran, tous les enfants oublièrent notre réalité. Ce visionnage me poussa à lire davantage de livres de contes occidentaux que je pus trouver dans des bibliothèques. Je pus y découvrir d’autres princesses d’un autre monde. Ceci me donna le goût pour la lecture pour le reste de ma vie. »
Quant aux femmes de ma génération, le premier contact avec l’Occident, c’était souvent à travers les petites poupées du type de Barbie et leurs robes de princesse. Ces poupées étaient toutes blondes ou châtain claire aux yeux bleus et vert. Je reçus ma première poupée à l’âge de trois ou quatre ans. Je ne pouvais pas le savoir à l’époque mais l’entreprise de jouets, Young Siloup venait de lancer, en 1982, ses premières poupées de ce genre, qu’elle baptisa « Mimi ». Avant, dans les années 1970, la Corée fabriquait des Barbies sur notre sol pour le fabricant américain Mattel, mais c’était juste pour les exportations. D’abord les Japonais voulurent importer des Barbies mais leurs physionomies, trop exotiques pour les filles asiatiques, ne marchaient pas si bien. Moi aussi, quand une amie me montra ses Barbie américaines, je les trouvai très moches, voire effrayantes, surtout leurs yeux.
Alors, le fabricant nippon de jouets, Takara, eut l’idée de changer un peu les yeux des Barbies en s’inspirant des bandes dessinées japonaises. Dans celles-ci, les filles ont souvent un visage ovale et des yeux exagérément grands. Ainsi, Takara Barbie vit le jour en 1981 au Japon. Comme je l’avais dit plus haut, Youngsileop lui emboîta le pas en lançant ces poupées qui ressemblaient aux Takara Barbie. Ce qui eut un succès immédiat auprès des filles qui étaient habituées aux bandes dessinés et dessins animés japonais.
Quand on y pense, c’est un peu paradoxal. Nous étions attirés par l’aspect exotique, ce qui explique l’absence des Mimis brunes aux yeux noirs. En même temps, on pouvait accepter plus facilement l’image des Occidentaux réinterprétée par les Asiatiques, en l’occurrence, les Japonais. Ces deux attitudes contradictoires sont, en effet, les éléments basiques à retenir lorsqu’on veut promouvoir un produit local aux marchés étrangers qui ne le connaissent pas.
Encouragé par le succès de ses Mimis, Youngsileop passa le contrat avec Mattel pour produire de vraies Barbies. Ces dernières étaient plus grandes, avaient un corps plus souples mais elles gardaient la physionomie plus proche de Mimi avec leurs yeux exagérément grands. Je me souviens très bien du lancement de ces Barbies en Corée en 1987. Je m’abonnai même au fan club de ces nouvelles poupées. EN 1992, le contrat entre Youngsileop et Mattel prit fin. Par conséquent, Youngsileop changea le nom de ses poupées en Joujou en modifiant légèrement leur visage. Elles seront désormais très très blondes, comme les européens du Nord, mais garderont les yeux des personnages des bandes dessinées japonaises. Ce sont celles-là que vous voyez dans les photos.
Moi, je devins accros à ces poupées dès le moment où je reçus ma première Mimi. Mon jeu préféré était de loin jouer à la poupée. C’était mes cadeaux préférés avec leurs robes de princesse et leurs meubles et accessoires. Avec mes copines, je réinterprétais des contes de fées européens avec mes Mimis, Barbies et Joujous.
A l’âge de six ans, j’appris à coudre de ma mère et je me mis à confectionner des petites robes pour mes poupées. Mon père, qui importait des machines à textile de l’Italie et de l’Allemagne, m’apportait des échantillons de tissu. Au fil du temps, je perfectionnai ma technique. Et quand j’ai atteint l’âge de 10 ans, maman, impressionnée par mon progrès, m’amena au marché de tissu. Quel monde féerique ! J’y choisis, à ma guise, des tissus luisants comme la SOIE de toutes les couleurs, des dentelles synthétiques, des rubans, etc.
Même au lycée, ma passion pour les robes de poupée ne recula pas. Au contraire ! Le film, Autant en emporte le vent, que je découvris à cette époque, attisa cet engouement. J’achetai un livre sur l’histoire des vêtements en Occident et j’étudiai ardemment le style crinoline des années 1860. Je fabriquais moi-même des crinolines avec des rubans et des fils de fer. Je confectionnais même des petites culottes des dessous.
Ma mère m’encouragea et continua de m’amener au marché de tissu. Mon frère était, en revanche, furieux : « Car, maman, tu te rends compte ! Elle sera en terminale l’année prochaine. Et elle passe son temps à confectionner des vêtements de poupée ou À apprendre le français, ce qui ne sert pas grand-chose pour le bac (à l’époque, le français ne figurait pas au bac). Il est temps de la préparer de manière intensive pour qu’elle réussisse à entrer dans une bonne université ! » Rien n’y fit. Je continuai à confectionner des robes de princesse jusqu’à ce que j’atteigne ma dernière année au lycée. Là, je dus quand même m’arrêter. Puis, à la fac, je délaissai complètement mes poupées pour me préparer à l’école d’interprétation.
Maman a acheté un petit meuble pour y exposer mes dernières réalisations. Elle l’a mis dans mon ancienne chambre et à chaque fois que j’y vais, je leur passe un petit bonjour.
Voilà, l’histoire du premier contact de maman et celui de moi-même. Quel a été votre première rencontre avec l’Orient ?
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