La reine Wongyeong : la mère de Séjong le Grand


Bonne fête des mères, chères amies françaises ! 
 
A cette occasion, je voudrais vous présenter l’histoire de la reine qui mit au monde le plus grand nombre d’enfants parmi les reines de la dynastie Joseon : 12 enfants dont huit fils. Parmi eux figure Séjong le Grand, l’inventeur du hangeul, qui était son sixième fils. Elle était également l’une des reines les plus dynamiques à tel point qu’on l’appelle « king maker », vu la contribution apporté pour l’accession au trône de son époux. Il s’agit de la reine Wongyeong (1365-1420), l’épouse de Yi Bang-won, appelé le roi Taejong, (1367-1422). 
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La reine Wongyeong naquit à Gaeseong (la capitale de l’époque) en 1365 dans l’une des familles les plus prestigieuses de l’époque, la famille Min. La dynastie Goryeo (918-1392) tirait à sa fin malgré les efforts désespérés du souverain de l’époque, le roi Gongmin (pour son histoire d’amour tragique : https://ours15.blogspot.com/2023/11/le-roi-gongmin-1330-1374.html )

Une poignée de nobles et de moines bouddhistes possédaient d’immenses territoires et beaucoup de paysans étaient obligés de devenir leurs serfs faute d’avoir de quoi payer les impôts. Et comme ces aristocrates étaient exemptés des devoirs fiscaux, les finances de l’Etat étaient gravement ruinées. Exactement comme la France à la veille de la Révolution. Dans ce contexte, un certain Yi Seong-gyeo, futur roi Taejo, venait de rejoindre la Cour de Gongmin. C’était un petit seigneur obscur qui vivait dans une région frontalière au nord-est du pays. C’était pour remercier son père qui avait apporté une contribution décisive pour repousser les mongols qui occupaient cette partie de la péninsule. 

Yi Seong-gyeo était à la fois un officier intelligent et un guerrier redoutable à l’instar de ses ancêtres. Or, à l’époque, les hauts fonctionnaires civils, tous issus des familles illustres, méprisaient les militaires. Ainsi, l’un des rêves de Yi était de voir son cinquième fils, Yi Bang-won, réussir au concours des hauts fonctionnaires civils. A l’âge de 16 ans, ce fils entra à l’institut Seonggyugwan, en s’emparant de la première classe lors du concours d’entrée de cette école, l’équivalent de l’université d’aujourd’hui. La différence, c’est que l’objectif final des étudiants était de remporter le concours des hauts fonctionnaires. 

Le directeur de Seonggyungwan, Min Jé, remarqua ce jeune garçon hors normes. L’une de ses filles avait 18 ans. C’est l’héroïne du jour, la future reine Wongyeong. Min Jé décida de la marier à ce génie. Yi Seong-gyeo accepta tout de suite ce mariage avantageux, comme la famille de Yi était beaucoup trop modeste pour la famille Min. Bien qu’il s’agissait d'un mariage arrangé, les jeunes époux tombèrent amoureux l’un de l’autre. Car la fille Min était belle, intelligente et très cultivée. Dès le début de leur vie en commun, Min devint l’un des conseillers les plus précieux de Yi Bang-won. 

L’année suivante, en 1382, YI Bang-won réussit au concours à l’âge de 17 ans. La joie de son père et de son beau-père étaient inestimable ! En plus, le jeune couple eut son premier enfant, la future princesse Jeongsoon. Le jeune couple vivait chez les Min et Yi Bang-won se rappellera plus tard : « Quand j’étais jeune, les Min m’ont élevé avec beaucoup d’amour. » Madame continua d’avoir des enfants, deux filles et trois fils,jusqu’en 1392, l’année où Yi Seong-gyeo renversa la dynastie Goryeo et fonda la dynastie Joseon (1392-1910). La dame Min obtint alors le titre de « princesse Jeongnyeong » et son mari « le prince Jeongan ». La rançon de ce bonheur ? Les trois garçons du couple princier moururent en bas âge.

Après avoir accédé AU trône, Yi Seong-gyeo s’éloigna de son cinquième fils sur la recommandation de Jeong Do-jeon, son bras droit, même si Bang-won joua le rôle majeur pour la fondation de la nouvelle dynastie. La colère du prince explosa lorsque son père désigna son demi-frère et benjamin de la famille, comme dauphin. Quelque temps après, en 1398, Jeong Do-jeon interdit aux aristocrates de posséder leur armée, y compris les princes de sang. Là, la princesse conseilla à son mari de cacher les armes au fin fond de la maison et l’encouragea activement À entreprendre un coup d’Etat avec le soutien de ses quatre frères. Yi Bang-won réussit, tua son demi-frère, força son vieux père à abdiquer et mis sur le trône le 2e fils de Yi Seong-gyeo comme nouveau roi car l’aîné décéda peu après la création de Joseon. Deux ans après, ce second fils, nullement ambitieux, abdiqua à son tour et Yi Bang-won s’empara enfin de la couronne en 1400. Pendant ce temps où elle était princesse, la dame Min mit au monde trois fils, y compris Séjong le Grand en 1397. 

Le jour du couronnement, la nouvelle reine eut l’impression que tous ses efforts pour faire de Yi Bang-won le roi portaient enfin ses fruits. Quel bel avenir ! Avec les trois princes, tous en bonne santé, tout semblait affermir son statut de première dame du royaume. 

Erreur funeste. Elle ne savait pas que la vie peut être parfois jalouse de trop de bonheur. Le nouveau roi était un coureur du jupon. Il attribua des titres de concubines à ses maîtresses dont plusieurs étaient servantes de la reine. Et comme ce n’était pas suffisant, il organisa un concours pour choisir de nouvelles maîtresses attitrées, cette fois-ci, chez les familles nobles : « Pour contrebalancer la famille de la reine devenue trop puissante. »  Il voulut, ensuite, organiser une cérémonie de mariage somptueuse. Cependant, son 2e grand-frère, l’ancien roi qui abdiqua pour lui, l’en dissuada : « Pourquoi voulez-vous vous marier une nouvelle fois, en plus en grande pompe ? Mon épouse n’a pas pu donner d’enfant mais pour l’amour, je n’ai pas pris de concubine attitrée. Mais ma belle-sœur mit au monde trois garçons robustes et intelligents ! »

La reine avait du caractère. Elle ne supporta point ces humiliations successives. Elle lui fit souvent des scènes à cause de ces nombreuses maîtresses. A chaque fois c’était tellement violent que le roi ingrat voulut, plusieurs fois, la répudier, ce à quoi toute la Cour s’opposa, y compris l’ex-roi. Comme elle était la mère de trois fils bien portants, dont le dauphin, il était en effet difficile de la mettre à la porte. 

Comme si ce n’était pas suffisant, le mari cruel exécuta les quatre frères de Min en prétendant qu’ils avaient monté un complot. Monsieur lui fit encore très mal au cœur en changeant de dauphin. Le fils aîné, le prince Yangnyeong était le chouchou de la reine, d’autant plus qu’elle eut ce garçon après la mort de ses trois fils. Le roi Taejong l’affectionna particulièrement. Le problème, Yanggnyeong n’aimait pas les études et mena une vie trop déréglée, entre les belles femmes et l’alcool. Ainsi, le roi le destitua et désigna son troisième fils, le prince Chungnyeong, comme héritier. L’année suivante, Yi Bang-won abdiqua et le nouveau dauphin hérita du trône. C’était Séjong le Grand. 

Wongyeong avait peur que Séjong ne tua son grand-frère. Elle le pria, dès que possible, de protéger son fils préféré. Mission difficile pour le nouveau maître du royaume car le prince continua à vivre dans la débauche. Les aristocrates demandèrent de le punir plus d’une fois tout au long de son règne. Séjong, en fils dévoué et frère aimant, empêcha que la justice soit faite et veilla à ce que son grand-frère ne manquât de rien jusqu’à la fin de sa vie.

Mais curieusement, même pendant cette période houleuse pour le couple, la reine continua à accoucher en 1404, en 1405 et en 1412. On en déduit que malgré de nombreuses querelles, le couple n’avait pas entièrement perdu l’amour pour l’un et l’autre.

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