Parlons-en. En Corée, il y a deux partis majeurs qui partagent l’échiquier en politique. D’abord le nouveau parti présidentiel, le Parti démocrate (DP), traditionnellement classé comme centre gauche. Mais selon les critères européens, il est plus proche du centre droit, ce que Lee Jae-myeong a fait valoir tout au long de sa campagne électorale pour attirer les votes des centristes. Il est le 1er parti au Parlement avec 171 sièges sur 300.
En face, il y a le Parti du Pouvoir du Peuple (PPP), l’ancien parti au pouvoir auquel appartenait le président déchu Yoon Suk-yeol. Classé comme de droite, il frôle aujourd’hui l’extrême-droite après la destitution de Yoon au Parlement le 14 décembre dernier. Il dispose de 108 sièges à l’Assemblée nationale. Ce camp conservateur est activement soutenu par beaucoup d’églises protestantes qui se prononcent contre les mariages homosexuels et l’IVG.
En revanche, le DP est favorable à ce genre de politiques progressistes.
Il existe aussi des petits partis, comme le Parti de la Réforme de la Patrie, parti un peu plus progressiste que le DP mais considéré comme une formation sœur du DP. Il détient 12 sièges dans l’hémicycle. Vient ensuite le Nouveau Parti de la Rénovation, formation de centre droit. Son chef est l’ancien président du PPP, viré par Yoon Suk-yeol de manière très anti-démocratique. C’est la spécialité de Yoon. Il a trois élus.
Enfin, le Parti progressiste, formation de gauche qui a également trois sièges au Parlement. Et deux députés sont indépendants. Il y a d’autres partis mais comme ils ne disposent pas de siège au Parlement, je vais vous en faire grâce.
Depuis la démocratisation du pays en 1987, on eut quatre présidents du DP et 5 du PPP. Les Coréens adorent l’alternance politique, tellement rebelles… Et parmi cinq chefs d’Etat du PPP, trois furent incarcérés pour abus de pouvoir et proclamation illégale de la loi martiale.
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Quelles sont les grandes lignes de la politique du DP, la nouvelle formation au pouvoir ? En fait, l’une des trois raisons majeures pour lesquelles j’ai opté pour Lee, c’est sa politique diplomatique. Le camp conservateur a tendance À donner trop d’importance À l’alliance coréano-américaine et aux relations coréano-japonaises.
Mais, les présidents précédents du PPP avaient habilement joué entre les USA et nos très aimables voisins immédiats, la Russie et la Chine. Roh Tae-woo (1988-1993) fut très actif pour la normalisation des relations avec des pays communistes et des Etats de l’Europe de l’est. Ainsi, à la fin de son mandat, il ne restera que deux pays avec qui on n’avait pas des relations diplomatiques.
Son successeur, Kim Young-sam (1993-1997), président du PPP mais le symbole de conservateur modéré, suivit cette orientation diplomatique. Puis, l’alternance politique eut lieu, entre 1998 et 2006, deux présidents du camp progressistes, Kim Dae-jung et Roh Mu-hyeon furent au pouvoir. Lee Myeong-bak (2008-2013) mena une politique étrangère très dynamique. Tout en poursuivant la tradition de la diplomatie dite à distance que le gouvernement coréen avait mis en place depuis l’effondrement du mur de Berlin, il réussit à consolider significativement le partenariat économique avec les pays du Moyen-Orient. Quant à Park Geun-hye (2013-2017), présidente destituée et fille aînée du président dictatorial Park Jung-hee (1963-1979), elle hérita, elle aussi de cette tradition. Elle était très habile car elle faisait confiance au ministère des Affaires étrangères. J’étais aussi son interprète, comme pour Roh Mu-hyeon et Lee Myeong-bak, au début de son mandat (après j’ai quitté le ministère pour me marier). Et elle était la chouchou de ses interprètes car elle lisait tel quel le document que le ministère lui fournissait pour les sommets.
Alors que… Yoon Suk-yeol (2022-2025)… Je n’ai jamais vu un président aussi parfaitement nul dans tous les domaines, y compris la diplomatie. Pour « exterminer les éléments communistes anti-nationaux», il renforça démesurément les relations avec les USA et le Japon en prenant plus de distance avec Pékin et Moscou. A la limite, on peut comprendre s’agissant de la Russie qui venait d’envahir l’Ukraine. Mais on a grand besoin du soutien de la Chine, notre premier partenaire commercial et le protecteur de la Corée du Nord, et sur le plan économique et sur le plan sécuritaire. Et Yoon, fils d’un vendeur du pays, ne cacha pas son admiration pour le Japon. Le résultat : il a mis en place la diplomatie trop favorable pour les USA et le Japon sans contrepartie. Comme le dit le dicton coréen, « On donne sa chatte et on se fait gifler. »
Lee Jae-myeong a affiché clairement le retour à la diplomatie pragmatique.
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La politique nord-coréenne alors. Le camp progressiste a été toujours pour le dialogue. Les présidents du DP ont tous rencontré leurs homologues du nord en mettant activement en place des aides humanitaires pour notre voisin. Ce qui ne produit pas toujours des effets escomptés vu ce que c’est le régime nord-coréen, imprévisible et capricieux. Lee Jae-myeong poursuivra cette tradition de son parti.
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Enfin, le DP n’est pas qualifié de progressiste pour rien. Il est favorable pour les droits des vulnérables, les femmes, les homosexuels, les travailleurs, etc. Il soutient, par exemple, la légalisation du mariage homosexuel et de l’IVG.
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Est-ce que Lee Jae-myeong se montera à la hauteur des attentes des électeurs ? Rien n’est moins sûr. Mais ce qui est certain, c’est que c’est très difficile de devenir un président pire que son prédécesseur.
Pour le résumé du discours d’investiture du nouveau président : https://fr.yna.co.kr/view/AFR20250604003600884?section=national/index
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