En 1592, l’armée japonaise débarqua massivement à Busan. La guerre dura pendant six ans jusqu’à ce que Joseon (1392-1910) chassa tous les Japonais en 1598. Bien entendu, les relations entre ces deux belligérants étaient on ne peu plus froides.
Or, peu de temps après, le seigneur féodal japonais, Tokugawa Ieyasu, chassa le clan de Toytomi Hydeoshi qui avait ordonné l’invasion de la Corée. Or, Togkugawa n’avait pas participé à ce conflit. Souhaitant ardemment rétablir des échanges commerciaux avec la Corée. Par ailleurs, c’était par le biais de la Corée, il pouvait avoir accès à la culture et la technique avancées du continent. Ainsi, Tokugawa demanda à Séoul de normaliser les relations bilatérales. A l’époque, c’est le roi Gwanghae (oui, le héro des deux séries «King’s face » et «The Crowned Clown» )
Gwanghae était un tyran qui sera renversé environ 20 ans plus tard. Toutefois, pour la diplomatie, il opta pour le pragmatisme tout au long de son règne. Il accepta, donc, cette proposition en 1609 et dépêcha des délégations à l’archipel. Les émissaires du roi en profitèrent pour ramener de nombreux Coréens enlevés pendant la guerre. Dès lors, la Cour de Joseon enverra régulièrement d’importantes délégations composés de 400 à 500 personnes et ce jusqu’en 1811. Parmi ces délégués, il se trouvait également bon nombre d’artistes qui émerveillèrent les Japonais avec leurs caligraphies, peintures, poèmes en caractères chinois, musiques et danses. Ils apportèrent également d’importants cadeaux en contrepartie des tributs que les Japonais offraient au roi de Joseon. Car en Asie, lorsqu’un petit pays reconnaît un pays voisin comme puissance de la région en lui apportant des tributs, ce dernier devait offrir à cette nation des cadeaux dont la valeur dépassait celle des tributs apportés.
Pour arriver à la capitale, ces délégations devaient faire escale dans plusieurs villes du Japon. Et à chaque fois qu’elles arrivaient, c’était une véritable fête pour leurs habitants.
Par contre, Joseon n’accepta plus que les ambassadeurs nippons vinssent jusqu’à Séoul. C’est que l’armée japonaise profita de la connaissance géographique des anciens délégués pour monter en toute vitesse de Busan et Séoul. Donc, les représentants du souverain accueillaient les émissaires nippons à Busan.
Jusque là, la Corée se trouvait nettement dans une position supérieure vis-à-vis de leur ancienne ennemie de la guerre d’invasion nippone. Mais la donne changea du fond au comble. Au milieu du 19e, le Japon accepta la culture et la technologie avancées de l’Occident et mena une gigantesque réforme pour moderniser le pays. En revanche, Joseon s’enfonça dans une crise politique et économique en raison de la classe dirigeante corrompue et de son refus catégorique pour la réforme. Ainsi, entre 1910 et 1945, le Japon put occuper la Corée.
Après la libération en 1945, la Corée chassa tous les Japonais de la péninsule et interdit les échanges avec l’archipel. Pourtant, le commerce clandestin se poursuivit. L’éclatement de la guerre de Corée était une aubaine pour le Japon. L’archipel servit de la base logistique clé pour les alliés des Nations Unies, ce qui lui permit de vite reconstruire l’archipel.
Après le conflit, Washington exerça la pression sur les deux pays voisins pour qu’ils normalisassent leurs relations diplomatiques. Mais les négociations marqueront le pas jusqu’au début des années 1960.
Depuis que le général, Park Jung-hee, arriva au pouvoir en 1961 par un coup d’Etat, l’ambiance changea. Son objectif était de se défaire, une fois toute, avec la misère dont la Corée souffrait depuis le 19e siècle et ce quel que soit le moyen. II voulut gagner de l’argent par les exportations. Le problème, à l’époque, on n’avait rien à vendre à l’étranger. Un petit pays stérile dont 70 % du territoire est couvert de montagnes et collines. Donc hors de question de vendre ses produits agricoles à exporter. Pas beaucoup de ressources minières non plus. Park décida ainsi de commencer par l’industrie légère, comme des usines de confection de vêtement ou de textile. Et il lui fallut désespérément des prêts des pays étrangers pour construire des usines car chez nous, on était pauvre comme Job. Ainsi, au début de son mandat, il déploya tous ses efforts pour contracter des prêts.
Là, il opta pour des solutions radicales : rétablir les relations diplomatiques avec Tokyo conformément au vœu de Washington. Il espéra l’indemnisation de la part de Tokyo et des prêts à taux préférentiels de la part des USA. Comme ce dernier était également sous la pression des Etats-Unis, les négociations aboutirent assez rapidement en 1965.
Depuis, les échanges économiques des deux pays augmentèrent de manière spectaculaire. Beaucoup d’entreprises coréennes prirent pour modèles celles du Japon et elles importèrent des pièces et des composants de machines et de voiture pour les assembler. Les produits bons marchés exportés là-bas eurent également du succès. Mais sur le plan politique, les tensions ne s’apaisèrent pas si aisément et il fallut attendre jusqu’en 1985 pour qu’eût lieu la première visite officielle du chef de l’Etat coréen au Japon. Une première depuis la libération en 1945.
Dès le début des années 1990, les deux pays connurent une certaine détente. Deux facteurs pour expliquer ce changement de l’attitude du Japon : l’effondrement du mur du Berlin et la montée en puissance de la Corée sur la scène internationale notamment après les JO de Séoul 1988. Le fait que la Corée pourrait avoir d’autres partenaires économiques plus importants que le Japon, la Chine en premier, alerta le Japon. Cela deviendra la réalité quelques années plus tard. La Russie, autre puissance de la région devint également un partenaire commercial et industriel clé.
Ainsi, Tokyo se montra plus souple en balbutiant des phrases telles que : « On se sent navré de la douleur que les Coréens ont endurée durant notre occupation. » « On tient à exprimer notre profond regret quant à ce qui s’est passé pendant l’occupation. » Ce n’étaient pas exactement des excuses directes et sincères que les Coréens attendaient de la part du gouvernement japonais. Mais Séoul prit note de ce changement d’attitude et l’interpréta plus favorable pour l’avenir des relations de nos deux pays que la négation totale qu’affichait le Japon jusqu’alors.
Il faut dire aussi que dans les années
1990, le Japon n’allait pas si mal que ça même si le ralentissement économique
avait déjà commencé dans les années 1980. En revanche, même si la Corée était
saluée comme l’un des quatre dragons de l’Asie, elle était encore bien derrière
le Japon sur le plan économique. Donc, Tokyo ne nous considérait pas encore un
rival sérieux. A cela s’ajoute la libéralisation du voyage des Coréens à
l’étranger en 1989. Le Japon devint, dès le début, la première destination des
touristes coréens ! Car malgré différents contentieux historiques, la
culture pop japonaise a su charmé de nombreux Coréens.
Or, lorsque Shinzo Abe arriva au pouvoir
en 2012, la donne changea complètement. Entre-temps, la Corée avait poursuivi
son expansion dans différents domaines, économique, politique et culturel. En
face, le Japon avait toujours du mal à sortir du marasme économique. Au lieu
d’analyser les causes de leur échec et celle du succès de leur voisin, le
gouvernement d’Abe opta pour la voie la plus facile : jeter la responsabilité
de leur échec sur d’autre. Au lieu de quoi, il prôna la gloire de leur passée
impériale en reniant en bloc toutes les exactions qu’ils avaient commises par
le passé. Le nouveau gouvernement commença par l’école. Ils omirent ou
atténuèrent tous leurs crimes commis en Asie et en Pacifique tout en salant le
Japon impérial.
Naturellement les relations coréano-nipponnes dégringolèrent, même avec les présidents conservateurs, Lee Myung-bak et Park Geun-hye. Pourtant, le camp de droite est considéré, d’ordinaire, plus favorable avec le Japon que son opposition. Et avec l’élection de Moon Jae-in, du camp progressiste, comme président de la République détériora encore les liens bilatéraux entre les deux pays.
Avec l’arrivée au pouvoir notre président aujourd’hui déchu Yoon Suk-yeol, en mars 2022, fit disparaître comme un miracle de telles tensions. Car c’est un ultra pro-japonais et pro-américain prêt à tout concéder quitte à renforcer l’alliance avec ces deux pays pourvu que ça permette d’ « exterminer d’un seul coup tous les éléments communistes anti-nationaux pro-nord-coréen », donc pro-chinois aussi. Il se moquait royalement des intérêts de l’Etat. Tout ce qui comptait pour lui, c’est l’idéologie ultra libérale que certains YouTubeurs d’extrême-droite ont inculquée dans sa tête et le bien-être de sa femme soupçonnée d’avoir commis au moins 16 affaires de corruption. Ainsi, sa gestion des relations avec nos quatre voisins puissants fut catastrophique. Pékin ne cacha pas son mécontentement face à une diplomatie si déséquilibré.
Ce qui fit que Tokyo se montra très prudent lorsque leur fidèle ami fut destitué et que le candidat du camp progressiste, Lee Jae-myung, fut élu.
Beaucoup de Coréens attend de lui de mener une politique japonaise plus pragmatique et équilibrée. Ils espèrent surtout qu’il rétablira la dignité de la Corée vis-à-vis de notre voisin millénaire bafoué pendant le mandat de son prédécesseur.
PS. Avec la Corée du Nord, le Japon n’a
toujours pas normalisé leurs relations et leurs armes balistiques et nucléaires
constituent de graves menaces sécuritaires pour les Nippons.
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