Mères célibataires non mariées


« Si tu tombes amoureux d’un Français, ma fille, fais tout ce que tu veux avec lui. », déclara maman solennellement avant que je parte pour un stage linguistique à Paris en 1999. Je venais d’avoir 20 ans. J’étais très étonnée car à l’époque, on pensait encore, au moins officiellement, que les filles devaient rester immaculées comme la Sainte-Vierge avant le mariage. 

« Mais pas d’enfant, m’avertit-elle sérieusement. Ca non, pas avant le mariage. Tu prendras des précautions nécessaires en cas de nécessité. Parce que tu risques de ne pas réaliser ton rêve comme devenir interprète du président de la République. Et je ne veux pas te voir obligée à épouser un homme pour l’erreur d’une nuit sans être convaincue.»

Depuis ma puberté, l’éventualité de me voir enceinte constituait l’une des plus graves préoccupations de maman. Dès mon premier évènement mensuel, elle m’a expliqué ce qui peut m’arriver désormais. « Et tu me diras si ça t’arrive pour on contre ton gré. On ira à l’hôpital et à ce stade-là, on peut prévenir le pire. »

Ceci dit, elle reste très ouverte sur ce sujet. « Ca m’indigne, déplore-t-elle souvent, de voir que ces pauvres jeunes mères célibataires non mariées sont si mal vues et ont droit à moins de subvention d’Etat. Vu leur situation précaire, il faut les aider davantage à s’en sortir que les mères mariées ! 

Les mœurs en la matière ont changé ces dernières décennies à la vitesse de la lumière mais les mentalités et le système n’arrivent pas à suivre cette évolution. Tu vois, les jeunes d’aujourd’hui, ils n’hésitent plus à franchir la ligne avant leur mariage, beaucoup plus librement que ceux de ta génération. Ca ne me choque point. Au contraire ! 

Donc, tomber enceintes contre son gré, cela ne veut nullement dire qu’elles étaient plus libertines mais qu’elles étaient moins éduquées sur ce point et moins prudentes.

Bon à la grande rigueur, on peut comprendre ce genre de critique dans les années 1980 et 1990, voire au début des années 2000. Ca restait encore tabou que les amoureux non mariés entre dans l’intimité suprême avant leur mariage. Cela explique, en grande partie, que la plupart des enfants adoptés à l’étranger étaient ceux de ces mères à cette période-là. Mais aujourd’hui, c’est de la pure hypocrisie de stigmatiser ces femmes et leurs enfants. Et il ne faut pas enfouir sa tête comme une autruche. Pour régler le problème en amont, il faut que les parents, que ce soit ceux des filles ou des garçons, les préviennent sur ce risque et leur apprennent des moyens de contraceptions, comme je l’ai fait avec toi. Je pense même que l’éducation publique devrait y prendre part. Et en aval, il ne faut pas avoir des préjugés, ni contre les mères, ni contre leurs enfants. 

Par ailleurs, il faut également respecter le choix des femmes compétentes et indépendantes qui veulent avoir des enfants sans forcément prendre mari. 

Bref, c’est donc purement anticonstitutionnel ce regard oblique qu’on porte sur ces pauvres mères. On déplore la chute de la natalité et on persécute ces jeunes femmes qui apportent une telle grande contribution à la patrie. C’est pour ça que beaucoup d’entre elles sont obligées d’abandonner leurs enfants ! Quelle perte pour l’Etat. Heureusement, comme tu L' as dit, depuis 2007, il y a plus de couples coréens qui adoptent ces bébés que ceux de l’étranger. Mais ce qui serait idéal, ce serait instaurer un environnement permettant à ces mères d’élever leurs enfants elles-mêmes. »

« Quant à la baisse de la natalité, il faut également qu’on change les mentalités vis-à-vis des amoureux qui vivent ensemble avant le mariage comme en Occident. C’est bien que les jeunes coréens puissent vivre leur vie amoureuse physique à fond mais ça reste occasionnel. Pour voir s’ils peuvent vraiment s’entendre bien ensemble, il faut qu’ils vivent ensemble le quotidien. Et s’il arrive qu’ils ont des enfants au cours de leur vie commune, il faut que ces petits ne subissent aucune discrimination vis-à-vis de ceux issus des couples mariés, comme là-bas, quoi. »

« Mais ici, c’est encore mal vu. Alors que le mariage, ça coûte cher ! Et on veut souvent avoir tout neuf, le logement, le mobilier, les appareils électroniques, etc. C’est encombrant tout ça et ça nécessite souvent l’intervention des parents. Quand on aime, on peut commencer à vivre ensemble dans un petit studio. C’est normal qu’on soit pauvre quand on est jeune. Il faut les encourager à vivre ensemble et à avoir des enfants librement comme on dit en Corée : ‘Il faut voir le ciel pour cueillir des étoiles.’ » 

Après son discours, j’ai fait UNE recherche pour voir quelles sont les aides du gouvernement pour les mères célibataires. Il faut dire qu’il y a une prise de conscience de ce problème mais ces subventions restaient encore restreintes. Il y a beaucoup de travail à faire sur ce dossier et j’espère que le nouveau gouvernement travaillera pour faire en sorte que cette situation s’améliore. Quant à maman, c’est un paradoxe vivant, comme le dit un ami proche. Malgré ses idées avant-gardistes sur ce problème, elle reste toujours convaincue, par exemple, que les femmes doivent rester au foyer après avoir accouché. Pour les gens de sa génération, ce n’est point surprenant et je la comprends. Et je l’adore pour ses idées progressistes sur certains phénomènes de la société !

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