Ce qui est difficiile pour les Coréen dans leur apprentissage du français


Quelles sont les difficultés majeures que les Coréens éprouvent dans l’apprentissage du français ?

Mes compatriotes ont moins de difficultés avec la langue de Molière que les francophones avec le coréen.  Parce que déjà, l’école enseigne l’anglais aux élèves de 8 à 9 ans. Cela nous permet de mieux comprendre la syntaxe et la manière de raisonner à l’occidentale reflétée dans d’autres langues occidentales. 

Ainsi, ce qui nous est le plus difficile à comprendre en français, ce sont des notions et des éléments qui n’existent pas dans la langue de Shakespeare, notamment la différence entre le passé simple (ou composé) et l’imparfait, le subjonctif, l’article partitif, etc. surtout, on a du mal à saisir la différence entre plusieurs temps du passé. 

Très curieusement, l’un des éléments qui me fascinèrent le plus dans votre langue dès le début, c’était l’imparfait. 

Le manuel scolaire expliquait ce temps de manière laconique : « C’est le présent du passé. » Dès que je lus cette phrase, je me sentis envahie par la nostalgie vers tout ce qui était mais qui n’est plus. Le présent du passé, ça expliquait tout ! La routine, l’habitude, la description du paysage ou des personnages… Ce qu’on croyait éternel mais disparut on ne sait trop comment. Plus tard, quand je découvris cette phrase, dans « Phèdre » de Racine, pourtant écrite au présent, je repensais à cet instant où j’avais fait connaissance de l’imparfait. Un courtisan informe Thésée de la mort de son fils calomnié par la nourrice de sa seconde femme : « Hyppolite n’est plus. » Petite phrase qui oblige à utiliser l’imparfait toutes les descriptions et les habitudes de ce vaillant garçon.

C’est sans doute charmé par ce pouvoir magique de l’imparfait, ressusciter le passé dans le présent, que Proust écrivit « A la recherche du temps perdu ». Enfermé dans son appartement, en n’ingurgitant que deux croissants par jours, il s’abandonna à la volupté de retrouver son passé à l’aide de l’imparfait. De son côté, Flaubert l’employa pour accentuer la monotonie de la vie de madame Bovary : son quotidien insipide décrit À L'imparfait annonce des drames à venir. Elle en avait trop marre, quoi. 

Après avoir appris cette forme de passé, j’écrivis de petits essais en français pour faire revivre mon enfance heureuse, du genre : « Je jouais avec mes copines jusque tard dans la nuit. A l’heure du souper, nos mamans nous appelaient depuis leur balcon… Après le repas, nous ressortions pour nous amuser encore… c’était le bon temps. » Encore aujourd’hui, à chaque fois que je recours à l’imparfait, je ressens la même émotion que j’avais éprouvée le jour où je l’avais découvert et j’ai l’impression de me retrouver à ce présent du passé qui n’est plus. 

J’ai également beaucoup apprécié le subjonctif, probablement car il provient du mot « sujet ». L’idée de distinguer les faits et les ressentis ou les convictions des locuteurs me captiva ! Coup de foudre comme pour l’imparfait. Là, je me dis que le français, ce serait ma vie. Mon manuel de français de lycée s’arrêtait là. Et au lycée, je n’appris ni le passé simple ni l’imparfait du subjonctif. 

Plus tard, en me lançant à la lecture des œuvres classiques, je pouvais m’entraîner au passé simple et À L'imparfait du subjonctif. Ces deux temps me charmèrent tout autant que l’imparfait et le subjonctif. Le passé simple, d’abord, car c’était vraiment un temps propice aux récits ! Ca me permettait de prendre de la distance avec ce qui s’était passé et le présent. C’est pour ça que je pris ce temps pour mes récits historiques. En plus, c’est plus simple que le passé composé. 

Quant à l’imparfait du subjonctif, je ne peux qu’affectionner ce mode. Car, j’aime l’imparfait, le subjonctif et le passé simple. Et pour maîtriser l’imparfait du subjonctif, il faut les connaître. La première fois où j’ai appris que ce mode existait, c’était dans le dernier roman de Camus, « La Chute », traduit en coréen : au début, le personnage principal lance une sorte de raillerie à son interlocuteur, un avocat de Paris, car ce dernier venait d’utiliser ce mode. Ca m’a donné envie de l’apprendre. 

Voilà, voilà… en guise de conclusion, je voudrais vous présenter un poème qu’une vieille amie, aujourd’hui aux cieux, m’avait appris pour m’entraîner justement dans l’imparfait. Elle me conseilla de le savoir par cœur et de le répéter jusqu’à ce que je pusse le répéter vite car : « Certes, aujourd’hui, personne ne l’utilise, mais si tu veux mieux comprendre la littérature française classique, tu es obligée de le maîtriser. » Paix à son âme…

« Oh, fallait-il que je vous visse !
Qu’aussitôt je vous aimasse ! 
Par amour, je vous le disse. 
Par orgueil, vous vous tussiez. 
Oh fallait-il que je vous importunasse, 
Pour que vous m’assassinassiez. » 

Photo : Avec mon amie Françoise qui m’a appris ce poème en 2000 lorsque je faisais mon stage linguistique à Paris. A l’époque, elle avait déjà 75 ans. C’est grâce à elle que j’ai découvert Romain Gary, Le Clézio et Eric-Emmanuel Schmitt. 

PS : J’aime aussi l’article partitif. L’idée est tellement logique !

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