Premier noble de Joseon qui goûta du gâteau occidental


Aujourd’hui, la pâtisserie et le vin européen sont hautement appréciés en Corée. Mais que pensa du pain et du vin l’un des premiers Coréens qui les découvrit en Chine au début du 18e siècle ? En en mot, exquis ! Comme mes compatriotes contemporains ! Voici l’histoire de l’un de ceux qui purent en goûter grâce aux missionnaires jésuites occidentaux installés sur place.
………
L’auteur s’appelle Yi Gi-ji (1690-1722), descendant lointain de Séjong le Grand. Il obtint l’occasion d’aller à l’empire du Milieu grâce à son père, Yi Yi-myeong. Yi, le père, Premier ministre de l’époque, fut nommé comme émissaire du roi en 1720 chargé d’informer l’empereur de la dynastie Qing de la succession du roi Sukjong par son fils aîné Gyeongjong. Les émissaires du roi pouvaient amener leurs parents et ses amis proches lors de  leur voyage de travail à condition que ceux-ci prennent en charge, eux-mêmes, les frais du déplacement.  

Yi Gi-ji, alors âgé de 30 ans, était un jeune noble érudit très curieux des civilisations avancées de la Chine et de l’Occident. Car, c’était par le biais des Qing que les Coréens apprirent l’existence de l’Europe. Dès le début du 17e siècle, quelques officiers qui y furent envoyés se mirent à ramener des livres sur la science et les techniques, notamment l’astronomie, les mathématiques, la géographie, l’agronomie, etc. 


Il profita pleinement de son voyage afin d’écrire avidement tout ce qu’il découvrit dans un journal de bord. De retour en Corée, il publia ce texte qui eut un succès phénoménal chez les jeunes aristocrates et roturiers lettrés. Ils mobilisèrent toutes leurs connaissances pour obtenir le droit d’accompagner les émissaires, tant ce livre stimula leur curiosité académique. 

C’est dans ce livre que Yi Gi-ji raconte sa rencontre avec des jésuites. Installés au tout début du 17e siècle, grâce aux exploits remarquables du père italien Matteo Ricci, ils avaient construit trois églises dans la capitale de l’empire. Vous vous souvenez du malheureux prince héritier Sohyeon, le dauphin qui protège les amoureux de My Dearest ? Lorsqu’il fut pris comme otage par les Mandchous au 17e siècle, il put rencontrer des jésuites et il ramena quelques livres sur le catholicisme en Corée. 


Comme ces missionnaires étaient également des érudits dans différents domaines scientifiques, philosophiques et artistiques, ils pouvaient vite attirer l’attention de la classe dirigeante chinoise et de la délégation de Joseon. C’était justement le cas de notre héros du jour, Yi Gi-ji. Il rencontra plus de dix fois ces prêtres occidentaux et échangea des lettres avec eux sur l’astronomie, la géographie, les mathématiques et la philosophie. Et tant que missionnaires occidentaux, ils maîtrisaient parfaitement les caractères chinois, ils se parlaient par écrit. Et lors de la visite de Yi Gi-ji à leur église, il put goûter du gâteau et du vin qui le charmèrent tout de suite. Voici son propre témoignage.

D’abord sur le gâteau qu’on présume être « une génoise » vu la description de ses ingrédients et de son goût :
« Ces Occidentaux m’ont invité à entrer dans une salle et à m’asseoir. Ils avaient voulu m’offrir un repas mais quand je leur ai dit d’avoir déjà mangé, ils m’ont offert du tteok (gâteau de riz traditionnel cuit à la vapeur) occidental. Je n’avais jamais goûté une telle merveille ! Léger et doux, il fondit tout de suite dans la bouche. Lorsque je leur ai demandé la recette, ils m’ont expliquer qu’on y mettait du sucre, de l’œuf, du blé et du lait.

Lorsque le défunt roi (Sukjong), las des plats habituels, chercha un nouveau goût susceptible de lui redonner l’appétit, son médecin, Yi Si-pil lui a parlé de ce gâteau, en le décrivant « une espèce de tteok à base d’œufs très fin et très léger’. Car lui aussi eut l’occasion de le goûter lorsqu’il accompagna la délégation de Joseon en Chine. Il essaya d’en faire avec la recette qu’il avait apprise mais hélas, il n’y arriva pas. Je crois que le médecin avait goûté le même gâteau que j’ai goûté.


Quand j’ai fini un morceau, ces Occidentaux m’ont servi du thé en m’expliquant que cela aiderait à mieux digérer ce genre de gâteau. En effet, après en avoir bu, c’était comme si le gâteau avait disparu dans mon estomac ! En même temps, je n’ai pas eu faim pendant fort longtemps.
…….
Puis, la description du goût du vin. C’est plus fort mais c’est plus intense. Savez-vous, pour les aristocrates confucianistes de Joseon, l’alcool était un élément indispensable qui permettait de consolider les liens sociaux entre les hommes. Ainsi, dans tous les livres de recette de l’époque, celles de différents alcools forment un chapitre majeur. On en utilisait aussi pour les cultes aux ancêtres. Donc, notre héros du jour était un fin connaisseur en alcool. Et on voit qu’il sut apprécier à sa juste valeur le vin :
« Cet alcool à base de raisin me frappa d’abord avec sa robe rouge noître. Quant à son bouquet, quelle explosion de différents parfums intenses !  Mais lorsque j’en ai bu une gorgée, je fus étonné par la sensation de fraicheur angélique que cela me procura. Puis quand cette boisson passa par la gorge, je fus complètement conquis par sa douceur voluptueuse ! Je me suis dit que même les nectars de dieu ne devraient pas être aussi exquis que cet alcool de raisin occidental.»

Commentaires