Tutoiements français vs tutoiement coréen




Vous pouvez me tutoyer en français en m’appelant par mon prénom, So-jeong, même si on ne connaît pas bien ! Je tiens à le préciser car à chaque fois que je publie un post sur l’usage du vouvoiement en coréens ou différentes appellations, cela semble inquiéter certains d’entre vous, notamment ceux qui me tutoient ou qui m’appellent par mon prénom, Sojeong. 

Vraiment, il n’y a pas de quoi vous faire paniquer ! Le tutoiement coréen n’a presque rien à voir avec le tutoiement français ! Je dis « presque » car environ 70 % à 80 % des tutoiements en français pourraient être traduits en vouvoiement léger en coréen et inversement. C’est ce que j’ai constaté dans des séries traduits en français. Idem pour des romans. 

Pourquoi j’ai dit vouvoiement « léger » ? Car en coréen, il y a trois niveaux de vouvoiement et trois niveaux de tutoiement. Et le vouvoiement le plus léger, qu’on appelle « le vouvoiement informel » peut se traduire souvent en tutoiement en français. 

Inversement, la grande majorité des propos qui se terminent avec la formule honorifique informelle devrait se traduire en tutoiement en français. 

Quelques exemples pour aider votre compréhension. 

1. Avec les oursons

Mes oursons applique la forme de vouvoiement coréen informelle quand ils s’adressent à mes parents, mon mari et à moi, qui se termine par Yo(요). Il est vrai que c’est assez rare dans les familles coréennes où on tutoie ses parents. Force est de reconnaître que je suis un peu conservatrice sur ce sujet. Mais quand je transcris leurs propos en français lorsqu’ils parlent avec ses quatre personnes, je les mets toujours en tutoiement. 

2. Avec un ancien patron du bureau qui est devenu l’un de mes meilleurs amis

Quand je travaillais encore, le chef du bureau, plus âgé que moi de huit ans, maîtrisait parfaitement bien le français. Il voulait pratiquer son français avec moi et en parlant souvent en français, on est devenus des amis très proches. En privé, on se parlait presque toujours en français et bien entendu, on se tutoyait et on se faisait des blagues qu’un patron coréen et son agent ne se seraient pas permises en coréen. 

Mais dès qu’on se parlait en coréen, en public et en privé, on se vouvoyait avec la formule honorifique informelle. Quant à l’appellation, je l’appelais « tu » en français et « monsieur le directeur (과장님)» en coréen. Idem pour lui, qui m’appelait «secrétaire Shim (심서기관) » en coréen. Mais il ne m’a jamais appelée par mon prénom, ni en français ni en coréen. 

3. Avec un ami étranger plus âgé que moi de 14 ans et qui parle le coréen

On se tutoie en français. Mais quand on parle en coréen, lui, il me tutoie, et moi, je le vouvoie avec la formule honorifique informelle encore. Quant à l’appellation, je suis toujours Sojeong pour lui.  Soit dit en passant, quand il parle en coréen, il devrait m’appeler en ajoutant la particule « a », Sojeong-a (소정아).  

De mon côté, je me suis permis de l’appeler par 오라버니, formule honorifique de oppa, qui désigne, à la base, grand-frère, et que les femmes se permettent d’appeler ses amis très proches. Déjà le fait que j’utilise ce terme signifie que je le considère vraiment comme un grand ami. Mais je n’oserai ni l’appeler oppa, ni le tutoyer. 

Un jour, il m’a proposé de le tutoyer en coréen. Je lui ai refusé gentiment en lui expliquant  qu’en règle générale, il n’y a que trois cas de figure qui pourraient me le permettre. 1) Il est mon frère, cousin, oncle biologique ou père adoptif ou biologique. 2) Il est mon mari. 3) Je suis sa maîtresse. 

Voilà… deux cultures différentes. Donc, n’hésitez pas à me tutoyer ou à m’appeler par mon prénom ! Cela ne m’offense nullement puisque le français et le coréen sont deux systèmes de langues différentes qui ont évolué dans un contexte historico-culturel complètement différent. 

* Petite anecdote du couple Ours sur ce sujet

C’était tout au début de notre mariage. On était en train de regarder son téléphone ensemble pour voir une vidéo ou une photo drôle. Tout à coup, un message s'afficha : "오빠, 우리 내일 저녁에 몇 시에 볼까?" (Oppa, je te vois à quelle heure?) 

La traduction en français de cette phrase paraît tout à fait neutre mais en coréen, ça laisse flotter un doute quant à la nature des relations qu’entretiendraient mon mari et cette fille. En plus, il m’avait dit qu’il rencontrerait un(e) ancien(ne) collègue. En coréen, on ne peux pas savoir si c’est un homme ou une femme. 

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